Archives mensuelles : juin 2014

Les Mamans gâteaux… et le sexisme banalisé

Les Mamans gâteaux… et le sexisme banalisé

L’année dernière, sitôt notre Poussin à l’école, nous avons découvert l’univers formidable des petits mots dans le cahier de liaison. Et nous avons été horrifiés de remarquer qu’à chaque manifestation organisée par l’école ou par l’association des parents d’élèves, lorsqu’un goûter était prévu, on faisait appel aux « mamans gâteaux »… Comme si seules les femmes étaient foutues de touiller un peu de farine avec 3 oeufs ! Comme si la cuisine c’était forcément une affaire de bonnes femmes. Et surtout de mamans ! Passe encore qu’une jeune fille célibataire ne sache pas très bien cuisiner, du moment qu’une fois mère les fourneaux n’aient plus de secret pour elle…

Quand Papa-des-Champs a rejoint l’association des parents, il n’a pas pu s’empêcher de faire remarquer que « les mamans gâteaux » ça n’allait pas du tout. Mais il a surtout essuyé des rires… Parce que ce n’est qu’une expression. Et que ça ne veut pas dire que les hommes ne font jamais à manger, même si « tu sais ici les gens sont classiques ». Et qu’on ne va pas se prendre la tête avec tes conneries de bobo parisien… Maintenant qu’il est secrétaire de l’assoc et qu’il (ou que je !) rédige les petits mots, cette expression en a bien sûr été bannie. Il n’empêche que verbalement, elle est encore bien trop présente…

Alors oui bien sûr ce ne sont que des mots, et ça n’empêche pas que les hommes aussi passent un coup de balais ou font la vaisselle de temps en temps. Je comprends aussi que dans certaines familles, les horaires ou le mode de vie n’aident pas à l’égalité parfaite. C’est d’ailleurs un peu le cas chez nous, puisque la semaine c’est moi qui dispose le plus du temps nécessaire à la préparation des repas, par exemple. Mais jamais l’un de nous ne considère que certaines tâches sont réservés à l’homme ou à la femme de la maison ! Ce qui m’embête surtout avec ces histoires de mamans et de gâteaux, c’est que ça normalise cette idée que la femme doit faire la cuisine. Je sais bien que ce n’est pas vraiment le rôle d’une assoc’ de parents d’élèves que de faire évoluer les mentalités et les habitudes familiales ; mais je reste convaincue que si notre vocabulaire demeure sexiste, rien n’évoluera jamais. Qu’il s’agisse d’une publicité, d’un message officiel, du discours d’un enseignant ou que je sais-je encore, les mots ont leur importance. Tous à notre niveau, nous ne devrions pas véhiculer que la cuisine est un domaine féminin ! Ce qui est également valable pour le ménage, l’éducation des enfants ou le shopping…

Si je ne vais pas faire changer les mentalités toute seule (ou avec l’aide de Papa-des-Champs), j’essaie donc au moins de faire passer un message plus égalitaire. Et j’ai décidé de m’insurger à chaque remarque de ce genre. Le prochain qui me parle de « mamans gâteaux » je le mords !!! Bon, samedi dernier je n’ai pas mordu a directrice de l’école qui, à l’occasion de la kermesse, a remercié « les mamans qui ont fait des gâteaux »… mais je n’ai pas pu m’empêcher d’ajouter « et les papas aussi » ! Quelques minutes plus tard le dépit s’est tout de même emparé de moi, lorsque la présidente de l’assoc’ a demandé à des « mamans » de tenir les stands de la kermesse… Fort heureusement, quelques papas s’y sont aussi collés !…

Pour le prochain mot, j’hésite entre un message direct comme :
« les papas sont invités à faire des gâteaux »
et un message un peu plus subtil du genre :
« une fois le repassage terminé, la vaisselle essuyée et les chaussettes reprisées, les mamans seront bien gentilles de faire un gâteau »…

Allez Papa, à toi de jouer !

Allez Papa, à toi de jouer !

Ce billet était déjà en grande partie rédigé quand j’ai lu que les ABCD de l’égalité allaient certainement être supprimés, sur décision du Ministère de l’Education… Je n’ai pas encore lu d’article en détail sur ce revirement, mais j’en suis totalement perplexe ! J’espère vraiment que les professeurs des écoles resteront vigilants et que la lutte contre le sexisme restera un de leurs objectifs. J’aimerais beaucoup vivre dans un monde où ce chemin vers l’égalité soit naturel et où les profs n’aient pas besoin qu’on leur dise d’y être attentifs. Il faut croire que malheureusement tout ne soit pas si simple, c’est pourquoi nous redoublerons de vigilance à la maison !

Faillir être flingué, de Céline Minard (Prix du Livre Inter 2014)

Faillir être flingué, de Céline Minard (Prix du Livre Inter 2014)

Comme promis, mon petit compte rendu du livre primé cette année !

« J’aime pas les westerns »… C’est à peu près la seule chose qui me soit venue à l’esprit quand j’ai su que je devais lire Faillir être flingué de Céline Minard. Voilà pour mon côté buté et plein d’a priori… Ce qui est aussi très nouille, puisque sans ma participation au jury du Livre Inter, je serais passée complètement à côté que de ce roman. Roman que j’ai finalement adoré !

Pour faire court et efficace, Faillir être flingué c’est l’histoire de plusieurs types (des hommes et des femmes en fait, mais j’utilise ici « type » dans son sens générique) qui parcourent la grande plaine américaine à l’heure où celle-ci s’appelait encore le far-west. Chacun a son histoire, son passé et ses idéaux, ses objectifs plus ou moins bien définis. Le roman passe d’un personnage ou d’un groupe de personnages à l’autre, tandis que chacun progresse et chemine dans la même direction. Certains se rencontrent, brièvement ou non, durant cette transhumance. Parfois ils se loupent de peu, ou encore ils se croisent sans le savoir. La traversée de chacun d’entre eux nous est contée avec poésie, humour et singularité. Enfin, tous ces personnages convergeant vers le même horizon finiront par se rejoindre sous le coup du hasard, et par fonder une ébauche de société. Dans une ébauche de ville, au sein d’un territoire où tout reste à construire et à inventer. Ces rencontres et cette fondation ne se feront évidemment ni sans heurts, ni sans émotions, ni sans rebondissements !

Ce qui m’a d’abord séduite à la lecture de ce roman, c’est sans conteste l’écriture de Céline Minard. Avant même de savoir que j’allais adorer ce livre, j’ai compris que cette auteure maîtrisait parfaitement son art. Le rythme, les mots, tout est bien choisi et colle parfaitement au sujet du livre ! Une écriture fine et percutante qui m’a complètement charmée. En ce moment je lis d’ailleurs l’un de ses romans précédents, So long, Luise, et je suis une nouvelle fois  fascinée. Pour moi qui suis extrêmement sensible à la musicalité d’un texte et à la construction littéraire, c’est un véritable enchantement ! Je suis réellement admirative. Et non, je ne suis pas amoureuse… Ceci dit si un homme m’écrivait d’aussi belles choses, je ne dis pas… ;-)

Ce qu’il y a d’intéressant aussi avec Faillir être flingué, c’est que sous ses allures de western, il est bien plus que ça ! On est ici très loin des clichés et autres stéréotypes. Chaque personnage est finalement bien plus complexe qu’il n’en a l’air. Tout comme chaque rencontre et chaque situation présentées par le roman. Derrière les bottes de cow-boy, les portes du saloon, la poussière et les balles qui sifflent, il y a un véritable récit et la volonté de nous emmener ailleurs. Si le livre de Céline Minard n’a pas pour vocation de nous pousser à une réflexion spécifique, il est cependant loin d’être creux. Pour reprendre les mots d’Alain Mabanckou, « couronner Céline Minard, c’est le triomphe de l’imaginaire » ! Et l’imaginaire bourré de finesse et d’humour, c’est quand même énorme !

J’ai aussi beaucoup aimé tout l’espoir et la liberté que l’on peut trouver dans ce roman. Sans jamais tomber dans le mièvre ou le gnan-gnan, Faillir être flingué nous montre que la volonté commune peut faire de grandes choses. Ce roman présente en effet une série de personnages qui arrivent à faire converger leurs intérêts singuliers pour le bien commun, ce que je trouve plutôt chouette. Un autre détail que j’ai apprécié, c’est le fait que le livre se termine au bon moment. Toutes les questions ou situations soulevées ont été résolues, cependant tout n’est pas non plus figé. Au contraire, et l’auteure le dit elle-même, tout reste à faire dans la petite communauté que les personnages ont formée. Le lecteur ne reste donc pas sur sa faim (ni sur sa fin !), mais il n’est pas non plus face à du pré-mâché !

Faillir être flingué est le roman que j’ai soutenu et défendu pendant les délibérations du prix du Livre Inter. J’ai aimé la façon dont il est écrit, l’histoire qu’il raconte et la manière dont il est construit. Surtout, c’est un roman qui m’a surprise et qui a été à l’encontre de mes préjugés. Si d’autres livres de la sélection m’ont beaucoup plu, il est celui qui a le plus fait bouger mes certitudes de lectrice. C’est un peu ce que j’attends d’un livre « primé », et c’est notamment pour cette raison que j’ai choisi d’en faire mon « numéro 1 ». Je vous le conseille donc tout particulièrement, et encore plus si vous non plus vous n’aimez pas les westerns !

Le petit bandeau rouge en super bonus !!!

Le petit bandeau rouge en super bonus !!!

Moulin à paroles

Moulin à paroles

L’acquisition du langage est un domaine qui me passionne, tout particulièrement quand il s’agit de mes enfants et que je suis aux premières loges. J’en avais déjà parlé lorsque Poussin était plus petit, comme ça fait longtemps vous pouvez relire le billet par ici. En ce moment c’est au tour de Belette, 28 mois, de sauter les deux pieds joints dans le monde merveilleux du langage ! Ce qui rend cette étape encore plus fascinante, c’est qu’une fois encore, Belette se différencie complètement de son frère. Et moi, je suis encore plus fascinée de découvrir que d’un enfant à l’autre les apprentissages peuvent être si différents !

Pour faire bref, Poussin a commencé à parler très tôt. A 18 mois il connaissait déjà pas mal de mots et les prononçait parfaitement, mais il ne les associait pas encore. C’est à partir de 24 mois qu’il a réellement fait des phrases, en combinant les mots puis en ajoutant des verbes, des pronoms, une conjugaison un peu plus précise, etc. Aujourd’hui il a presque 4 ans et demi, un vocabulaire plutôt développé et une bonne maîtrise de la langue.
Belette a mis un peu plus de temps à prononcer ses premiers mots. Je l’ai déjà mentionné, notre petite Belette s’est longtemps amusée à refuser de parler. Quand je dis refuser, je n’exagère pas. Si nous ne comprenions pas ses chouinements, onomatopées ou gestes et que nous lui suggérions de nous dire un mot, ou au moins d’essayer, elle nous faisait son sourire le plus coquin en s’exclamant « non » ! Puis ces derniers mois les choses ont beaucoup évoluées, puisqu’elle s’est mise à dire de plus en plus de mots. Et depuis quelques semaines ses progrès sont impressionnants !

Elle se montre maintenant hyper volontaire et enthousiaste. Elle répète tout ce qu’elle peut et s’amuse de nous voir si fiers d’elle. Elle aussi est fière, d’ailleurs, puisque chaque nouveau mot est accompagné d’un sourire tout mignon. Parfois même d’un petit rire encore plus mignon qui montre à quel point elle est heureuse de parler. Ses progrès sont impressionnants et chaque jour Belette développe son vocabulaire.

Ce qui est passionnant, c’est qu’à la différence de son frère qui a attendu de maîtriser plein de mots pour faire des phrases, Belette s’est presque tout de suite lancée dans les combinaisons de mots. Et tant pis si sa prononciation est parfois approximative. Elle répète des expressions, des petites phrases, et cherche vraiment à se faire comprendre en détaillant le plus possible ce quelle nous dit. C’est d’ailleurs absolument trognon de la voir réfléchir et faire de réels efforts pour prononcer une longue phrase ! Bien sûr, et cela lui fait un point commun avec Poussin, elle aime répéter certains mots. En boucle. Des mots qui lui plaisent et qui la font rire chaque fois qu’elle les dit. Cette semaine, elle a adoré répéter « saucisse »  pendant qu’elle prenait sa douche puis pendant les repas. Des fois qu’en prononçant le mot elle en fasse apparaître… Elle aime bien également le mot « phoque« . Depuis qu’on a joué à un jeu où il faut assembler les mamans animaux et leurs bébés, elle adore dire « maman phoque » ou « bébé phoque » un peu n’importe quand, et de préférence quand c’est totalement hors contexte ! Pour tout vous dire, la semaine dernière j’étais tellement déconnectée que j’ai cru entendre « maman fuck« , et je m’offusquais intérieurement tout en me demandant où elle avait appris ce mot, quand j’ai réalisé que ma Belette me parlait juste de l’animal tout mignon qu’est le phoque… ouf ! Parmi ses mots préférés, notons également « patate », toujours accompagné d’un rire tonitruant !

Ce qui est chouette aussi, c’est de voir (ou plutôt d’entendre !) Poussin et Belette discuter ensemble. Alors évidemment ça crie un peu dans tous les sens lorsqu’ils ne sont pas d’accord, mais ça criait déjà avant ! Je dirais même que c’est mieux maintenant puisqu’il ne s’agit plus exclusivement de grognements de la part de Belette, mais bien de verbalisation. Et puis maintenant Poussin ne peut plus faire semblant de ne pas comprendre quand elle  veut ou ne veut pas quelque chose ! Oui,avant il avait tendance à faire l’innocent et à prétexter qu’il ne savait pas quand elle hurlait pour ne pas avoir de bisou ou pour qu’il lui rende son jouet… En même temps, il est aussi ravi de pouvoir dorénavant parler avec sa petite soeur. Il l’encourage toujours à parler et aime beaucoup lui apprendre de nouveaux mots. Il est tout content de nous informer de ses progrès lorsqu’il a eu la primeur d’un nouveau mot ou d’une nouvelle phrase ! Si la maison n’est pas plus silencieuse qu’avant, au moins nous communiquons mieux et chacun peut s’exprimer un peu plus calmement.

Quant à moi, je savoure les progrès de ma petite fille et j’aime décidément la voir grandir chaque jour un peu plus. J’aime écouter sa jolie voix, et j’aime encore plus observer son petit bec prononcer tous ces mots ! Je suis rassurée de la comprendre de mieux en mieux et de l’aider à verbaliser ses émotions. Et bien sûr, je fonds de l’entendre me dire qu’elle m’aime « fort, fort, fort » !!!

Maintenant c'est la sieste, alors chuuuttt !!!

Maintenant c’est la sieste, alors chuuuttt !!!

 

L’aventure Prix du Livre Inter 2014

L’aventure Prix du Livre Inter 2014

J’avais promis un compte-rendu : le voici !

J’écris ces quelques lignes (du moins je commence) à chaud, puisque je suis maintenant dans le train qui me ramène chez moi. Encore sous le coup de l’émotion et du manque de sommeil !
Je ne vais pas vous livrer un témoignage chronologique, qui risquerait d’être ennuyeux à lire mais aussi à écrire… Ce billet sera donc à l’image de mon expérience du Livre Inter : foisonnant et multiple !

Le meilleur souvenir de ces deux jours hors du temps restera celui d’une formidable aventure humaine. J’ai passé de magnifiques moments entourée des autres membres du jury, du « staff » France Inter, ainsi que des écrivains présents. Je pense principalement au charismatique Alain Mabanckou, qui nous a véritablement enchantés par sa prestance, son humour et sa bienveillance ; mais aussi à Céline Minard, lauréate 2014 du prix. ( Je reviendrai dans un prochain billet sur son magnifique Faillir être flingué, que j’ai adoré.) J’ai été touchée par son côté très réservé et un peu mal à l’aise au premier abord, et  je me suis reconnue dans sa façon d’être beaucoup détendue une fois en confiance. C’était vraiment chouette de la découvrir pleine d’humour et de pouvoir discuter en toute simplicité. Enfin, je ne peux terminer ce passage sur les écrivains sans vous dire la joie que j’ai eue de rencontrer Monsieur Pennac ! Charmant et malicieux, exactement comme je l’imaginais. J’ajoute une mention toute particulière à Jacques A. Bertrand, auteur véritablement savoureux et grand monsieur, plein d’humanité et de classe.

Ma rencontre avec les jurés aura également marqué mon séjour. Souvent peu à l’aise au milieu d’inconnus, j’ai été étonnée et ravie de me sentir si rapidement en terrain ami ! L’organisation de ces deux jours nous a permis de vite sympathiser et de discuter avec tout le monde ou presque. J’avais un peu peur de l’effet « petits groupes dans le grand groupe » mais finalement j’ai pu échanger au moins un peu avec tout le monde. J’ai également apprécié la façon dont les délibérations se sont déroulées, dans le respect et la bonne humeur. Et bien sûr, j’ai beaucoup aimé nos rencontres et nos échanges post-délibérations, le plus souvent un verre à la main ! Ce qui tend à expliquer mon manque de sommeil et ma fatigue, j’en ai bien conscience…

Crédit photo France Inter

Le jury et l’équipe de l’émission « On va tous y passer »

La découverte des coulisses de la radio s’est également révélée plutôt amusante et intéressante. Chaque fois que j’écouterai la radio je ne pourrai dorénavant m’empêcher de penser à toute l’organisation qu’il y a derrière, à la gestion quasi chirurgicale du temps d’antenne, et aux lumières rouges du « on air » !

Pour finir, je rentre chez moi avec d’énormes envies de lecture ! Plus que jamais je suis convaincue d’avoir fait le bon choix en prenant toujours la voie des mots. Ou la voix des mots, ça marche aussi ! Je me félicite d’avoir cédé aux appels de la lecture et de l’écriture, plutôt qu’à une éventuelle carrière traditionnelle et plus lucrative. Cette formidable aventure ne fait que confirmer l’importance de la littérature à mes yeux, et son indispensable nécessité à mon quotidien.

Comme l’a si justement écrit Mabanckou à l’occasion du Livre Inter, :

Je sais à présent que chaque livre recule les ténèbres des préjugés et amoindrit la tentation de l’intolérance.