Et bien non, je ne vais pas vous avouer ma passion pour Dave, ni vous raconter que j’aime danser en hurlant Vaninaa-ahaha au milieu de mon salon… Aujourd’hui c’est du sérieux, et c’est Marcel Proust qui sera à l’honneur !
Il y a longtemps je me suis couchée de bonne heure j’étais étudiante en lettres modernes. En quatre années de fac de lettres, outre avoir une consommation excessive de café, de cigarettes et de vin blanc, j’ai eu l’occasion de lire pas mal de classiques. Mais pas tous. J’ai aussi eu l’occasion de découvrir d’autres oeuvres un peu plus confidentielles, comme des pépites de la Renaissance ou de la littérature yiddish par exemple. Bref, il n’empêche qu’être étudiant en lettres sans avoir lu certains gros classiques c’est la loose, même si on en connaît les grandes lignes et les caractéristiques. Avec ma meilleure amie nous avions même élaboré nos listes de la honte comme nous les appelions à l’époque. Une dizaine d’années plus tard (putain 10 ans déjà !!!) je n’ai évidemment pas tout lu, mais je progresse. La Princesse de Clèves, La Montagne magique de Thomas Mann ou Belle du Seigneur n’ont plus de secret pour moi ! Et depuis quelques temps, vous l’aurez compris, je m’attaque à Proust !
Commencer A la Recherche du temps perdu, ça fait un peu peur quand même. Je connaissais un peu la composition de l’oeuvre, la thématique générale, les longues phrases, et comme tout bon étudiant en lettres je pouvais en réciter le début. J’avais même étudié l’incipit en anglais ! Intérêt plus que limité, mais expérience amusante. Il n’en reste pas moins que je n’avais jamais eu le courage d’ouvrir le première opus de l’oeuvre proustienne, à savoir Du Côté de chez Swann. Les longues descriptions et les phrases qui n’en finissent plus ne m’effraient pas plus que ça d’habitude, mais là je faisais une sorte de blocage. Peur de m’enliser dans une lecture qui n’en finirait plus et de ne jamais terminer tous les volumes. J’ai finalement sauté le pas récemment, en profitant des e-books gratuits d’Amazon. Oui, c’est un peu schyzo, j’adore les livres, ma bibliothèque est mon meuble préféré et mon plus grand rêve serait de tenir une librairie de livres anciens, mais j’ai succombé au Kindle ! J’étais vraiment hésitante au début, mais le confort de lecture et le coté pratique de l’objet m’ont convaincue. Et non, je ne suis pas subventionnée par Amazon et il faudrait vraiment que j’arrête de les citer parce que la pub c’est nul !!! Bref, pour en revenir à Proust, je ne regrette pas une seconde d’avoir enfin osé m’y atteler.
Evidemment, ma vitesse de lecture n’est plus la même que dans mes jeunes années… D’une part je ne profite plus de mes 2h30 de transports en commun quotidiennes (ce qui dans l’absolu est plutôt appréciable !) et d’autre part bien qu’en étant à la maison j’ai peu d’occasions de m’installer avec un bouquin. Oui encore une fois je suis terre à terre, mais les enfants, les repas, le linge, la poussière…tout ça… ça bouffe du temps et de l’énergie ! D’autant que pour lire Proust, il faut un peu de temps devant soi. De fait ça ne se lit pas vite, et l’ouvrir pour à peine 10 minutes n’a que peu d’intérêt. C’est pour cette raison que ma lecture avance lentement et que je n’en suis encore qu’au début. Mais j’aime ! et je suis totalement entrée dans l’univers du narrateur. La fin du XIXème siècle et les souvenirs d’enfance dans la maison familiale, j’adore ! J’aime également les phrases de Proust, longues et tortueuses mais toujours mélodieuses et qui donnent tout son rythme au roman. Bien sûr il faut être un minimum concentré sur ce qu’on lit pour ne pas décrocher, mais une fois dedans c’est un réel plaisir de se laisser emporter par cette façon d’écrire si particulière. Moi qui suis sensible à la musique des mots et aux jolies phrases, je savoure celles de Proust ! J’aime les anecdotes racontées, l’évocation des souvenirs de l’enfant, et c’est le coeur serré que j’imagine ce pauvre petit Marcel attendant un dernier baiser de sa maman, seul le soir dans sa chambre.
Beaucoup trouveraient cette écriture compliquée, ces souvenirs sans intérêt et je conçois parfaitement que Proust n’est pas forcément facile d’accès pour quelqu’un qui n’aurait pas de goût particulier pour la lecture et encore moins pour cette période littéraire. Pour les amoureux de la lecture, je ne peux que conseiller. Après une journée passée à courir et à gérer l’immédiat, je prends vraiment beaucoup de plaisir à m’échapper du côté de chez Proust (ou de chez Swann !) J’y retrouve un peu de Gide (par l’époque évoquée plus que par le style) qui est l’un de mes auteurs préférés et beaucoup de ce qui m’a fait adorer mes années de fac. Ce petit goût de naphtaline, d’enfants en costumes et de Jardin du Luxembourg, cet univers que j’ai toujours tellement aimé !. Dix ans plus tard, il m’arrive de plaisanter à propos de ces études qui ne m’auraient « servi à rien ». Parce que oui, avec ma maîtrise en poche à part un peu de fierté et le sentiment du devoir accompli je n’étais clairement pas préparée à un métier, et mes connaissances en littérature ne sont pas franchement recherchées sur le marché de l’emploi. J’ai poursuivi mes études en bifurquant par une autre filière, qui m’a permis de réussir un concours et de travailler dans un secteur sans aucun rapport avec la littérature. N’empêche qu’au fond, ça ne m’a pas servi à rien, bien au contraire ! J’y ai pris du plaisir, j’ai découvert des choses passionnantes, rencontré des personnes captivantes, et pour rien au monde je n’aurais voulu faire autre chose. Et tant pis si ce n’est pas grâce à mes études de lettres que je pourrais gagner ma vie un jour ! Elles m’ont ouvert l’esprit, elles ont cultivé mon goût pour les mots ; et des années après elles me permettent encore de me faire plaisir en me délectant de bons livres. Je m’éloigne un peu du sujet initial de mon article, mais j’avais quand même envie de dire que non, la culture ne sert jamais à rien. A l’heure où tout doit être rentable, et où certains enseignements (je pense au grec et au latin notamment) se sont vus menacés par des gouvernements cupides, je veux défendre Proust et La Princesse de Clèves ! Je veux que mes enfants aient eux aussi le choix et qu’ils puissent lire ce qu’ils aiment, juste par plaisir.
Quant à moi, si je passais moins de temps sur mon pc, je lirais certainement un peu plus vite ! ;o)