Archives mensuelles : septembre 2013

En Souvenir d’André, de Martin Winckler

En Souvenir d’André, de Martin Winckler

Martin Winckler est un nom qui m’est familier depuis un petit bout de temps. Avant de découvrir son talent d’écrivain et de dévorer ses romans, Martin Winckler était pour moi une référence en matière de contraception. Il y a pas loin de 10 ans, j’ai découvert ses articles, ses prises de position, ses précieux conseils, et j’ai appris plein plein de choses. J’ai ainsi pu trouver la contraception qui me convient le mieux (le DIU au cuivre, si vous voulez tout savoir !) et faire évoluer mon regard sur le rapport soignant-soigné. Lire Winckler (et d’autres médecins-auteurs par la suite) m’a ouvert les yeux sur la façon dont certains gynécos imposent, jugent, ne respectent pas, infantilisent les femmes. A partir de là je me suis sentie beaucoup plus libre dans ma façon de choisir mes médecins, et plus impliquée dans la façon dont je voulais gérer mon corps. Et accessoirement j’ai puis fuir à toutes jambes le premier gyneco que j’ai consulté en arrivant dans la Nièvre, pour en rencontrer par la suite un deuxième beaucoup plus respectueux et compétent. Après avoir découvert Winckler le médecin, j’ai donc découvert Winckler l’écrivain. Pour l’anecdote, la personne qui m’a offert La Maladie de Sachs ne savait pas du tout que j’avais déjà beaucoup d’estime pour son auteur, et ne s’intéressait pas plus que ça à la contraception. Un joli hasard. Pour la faire courte, j’ai adoré ses romans ! Là encore il est question de respect et du rapport médecin-patient, avec en prime une écriture très agréable à lire. Winckler écrit bien et il maîtrise carrément l’art de nous mettre en haleine. Il aime mêler les petites histoires toutes simples des gens à une réflexion plus vaste de la médecine, selon un procédé qui fonctionne parfaitement. Quand j’entame un de ses bouquins je sais que j’y serais scotchée jusqu’à le terminer. Le côté frustrant c’est que du coup je les lis trop vite !

A celles et ceux qui ne connaissent pas Martin Winckler comme écrivain, je conseillerai de commencer soit par La Maladie de Sachs (une jolie fresque sur le rapport d’un médecin généraliste de campagne et ses patient, avec une vraie réflexion sur la médecine générale) soit par Le Choeur des femmes (un récit qui mêle fiction et réflexion sur la pratique de la gynécologie/obstétrique et le respect des patientes). On peut aussi commencer par En Souvenir d’André mais son sujet étant moins global, il me semble qu »il donne un aperçu moins vaste de Winckler. On peut certainement aussi découvrir Winckler par un autre de ses écrits, je parle là de ceux qui d’après moi ont une très forte portée. Sachant que je ne les ai pas tous lus non plus.

livreWinckler

Bref, cette introduction un peu longue m’amène à vous parler justement de En Souvenir d’André, que j’ai lu cette semaine. Paru en 2012, ce roman aborde la fin de vie et du traitement de la douleur. Dit comme ça, le sujet peut paraître difficile (la mort c’est rarement un sujet de loisir rafraîchissant !) et pourtant ce roman n’est absolument pas glauque ni angoissant. Personnellement j’ai une nette tendance à m’angoisser et à mal dormir quand je lis des histoires difficiles mais là vraiment, c’était tout doux et à aucun moment on ne se sent oppressé. Il y est principalement question d’euthanasie mais pas seulement. La problématique du livre tourne beaucoup autour de l’accompagnement des personnes en fin de vie, de la gestion de leur douleur, et de leur écoute. Ecoute et accompagnement me semblent d’ailleurs êtres les mots qui résument le mieux En Souvenir d’André. Le propos de Winckler n’est pas de lancer directement une tribune en faveur de l’euthanasie, mais plutôt de réfléchir à une manière humaine et respectueuse d’accompagner les malades qui se savent condamnés. L’aspect strictement médical s’efface ici devant l’empathie et le soutien moral. Pour être un peu plus précise, il est évident que l’auteur penche pour la légalisation du suicide assisté (et il défend ce choix en interview et/ou articles), cependant le roman ne ressemble en rien à un manifeste vindicatif. Au contraire tout y est doux et subtil. L’humain, le respect et la dignité y remplacent efficacement les discours politiques et militants ! (1)

La trame narrative est un peu difficile à résumer puisqu’il s’agit ici de récits enchâssés. Dans un futur où l’euthanasie serait légale, un narrateur personnage dont la fin approche raconte son histoire à un jeune inconnu venu chez lui, on le suppose, pour l’accompagner. Ou du moins l’écouter. Médecin spécialisé dans le traitement de la douleur, il explique comment il a assisté plusieurs personnes souhaitant abréger leur souffrances alors que cette pratique était encore interdite. Avec humanité et douceur, il évoque les histoires personnelles que ces patients de l’ombre lui ont confiées. Il explique comme l’écoute lui a été indispensable pour aider ces gens qui avaient tous besoin de livrer un secret, une confession, un bout de leur existence, avant de s’éteindre pour toujours. De fil en aiguille nous suivons également l’histoire de ce narrateur, parfois riche en surprises. Les différents niveaux de récits s’imbriquent finalement pour former un tout cohérent. Cette façon de construire les romans est assez courante chez Winckler, déjà dans Le Choeur des femmes par exemple les petites histoires finissaient par nourrir le récit principal. A titre personnel, et c’est une de mes seules critiques, j’ai l’impression que le moment où ce récit cadre rejoint les autres arrive un peu tardivement et laisse un petit goût de fin trop rapide. On a l’impression que tout se précipite à la fin et qu’avec une vingtaine de pages en plus ça aurait été un peu plus fluide. M’enfin c’est là mon avis et ça ne m’empêche pas de prendre beaucoup de plaisir à lire Martin Winckler.

Ce que j’ai beaucoup aimé dans En Souvenir d’André, c’est l’évocation de la prise en charge psychique de la fin de vie. Au-delà de la question de l’euthanasie, l’accompagnement des mourants apparaît comme un sujet qui mérite notre attention. Peu importe si la mort est accélérée à la demande du patient ou s’il la sait proche parce que la maladie est avancée et qu’il l’attend sans en choisir l’instant. Winckler met en avant le besoin de parler et de se confier de ces gens qui finissent de vivre. Il souligne ce besoin de se raconter à une personne neutre et détachée, une oreille à trouver le plus souvent en dehors du cercle familial. Je sais que certaines associations et certains hôpitaux mettent en place un système où des bénévoles viennent écouter les malades en fin de vie, et il me semble évident que ces initiatives sont à développer. Dans le futur imaginé par Martin Winckler, cet accompagnement s’est généralisé et c’est tant mieux.

En parallèle, sa vision de l’euthanasie et de sa mise en oeuvre sont plutôt convaincantes. Il évoque d’une part quelques pistes qui aideraient à la légaliser et à la mettre en oeuvre avec éthique et respect, tout en nous montrant des situations où le choix, le libre-arbitre et la dignité sont au centre de toute réflexion. Comme je le soulignais plus tôt, tout est douceur et finesse. En Souvenir d’André nous propose une vision éclairée et argumentée de cette question qui fait souvent débat, en nous offrant un aperçu romancé mais réaliste de ce qui pourrait être mis en place. Je ne sais pas si la lecture de ce livre pourrait faire changer d’avis quelqu’un qui serait 100% réticent à l’euthanasie, mais elle a le mérite de proposer une réflexion intéressante. Sans s’intéresser plus que ça à cette question, je suppose qu’on pourrait également choisir de lire ce roman en se fixant essentiellement sur l’intrigue. Un peu dommage, comme de lire Le Dernier Jour d’un condamné en se fichant du thème de la peine de mort, mais pas impossible pour un lecteur passif. Pour ma part j’apprécie beaucoup de pouvoir réfléchir à un sujet important tout en passant un bon moment avec un récit romancé et agréable à lire. Bref,  je recommande !

(1) Pour écouter Winckler prendre clairement position c’est par ici.

Féminisme et Maternage

Féminisme et Maternage

Depuis que je suis maman et que je m’intéresse un peu à tout ce qui parle d’éducation, de maternage, de bébés ou d’enfants, je tombe souvent sur le raccourci suivant : le maternage serait l’inverse du féminisme et il aurait tendance à maintenir les femmes dans un rôle vieillot de cruchonne à la maison. En gros, le maternage aurait tendance à gommer l’émancipation féminine. Un peu comme ce que E.Badinter écrivait dans son livre polémique Le Conflit, que j’ai entrepris de lire il y a trois ans sans jamais réussir à le terminer…

Celles et ceux qui me connaissent doivent s’en douter, ce raccourci m’agace et je ne partage paaaaas du tout ce point de vue ! Très certainement parce que je me sens au moins un peu voire carrément féministe selon ce qu’on y entend, et tout autant maternante. J’en profite pour remarquer que le terme de maternage me gène quand il consiste à poser une étiquette, et que par ailleurs il recouvre plusieurs choses, pas forcément bien définies. Certains y classent les mères allaitantes, d’autres le cododo, parfois le portage en écharpe, souvent il définit les mamans qui pratiquent l’éducation sans violence… bref ce n’est pas hyper clair. Ce que je pense, moi, c’est que toutes les mamans maternent. Et bien souvent les papas aussi ! On materne nos enfants à partir du moment où on les aime et qu’on prend soin d’eux, du mieux qu’on peut. Avant de classer les mamans selon le degré de cododo, d’allaitement ou de péridurale, si je ne devais garder qu’un critère ce serait celui de l’écoute. Je me sens maternante surtout parce que j’essaie d’agir selon les besoins de mes enfants, en étant à leur écoute. A côté de ça, je peux passer pour une illuminée qui a mixé les fruits et légumes de ses marmots, qui a choisi de ne pas travailler pour les élever, qui a accouché sans péri, qui essaye d’expliquer plutôt que de punir, et qui a marché des kilomètres avec des bébés-kangourou. Pour certains au contraire je suis une inconsciente qui utilise des couches jetables, j’ai cédé à l’industrie agro-alimentaire parce qu’au bout d’une semaine de bébé en pleurs sans une goutte de lait qui sortait de mes seins j’ai opté pour le bib, et je suis égoïste en partant en week-end sans mes enfants. Maman poule, maman étouffante, babos à tendance naturophile, inconsciente qui ruine la planète, je suis tout à la fois selon qui me regarde. Tout ça pour dire qu’en matière d’éducation comme pour le reste, rien n’est tout blanc ou tout noir. Alors voilà, moi je fais dans le maternage grisonnant et je me sens très bien comme ça.

En ce qui concerne le féminisme, là non plus ce n’est pas toujours facile de se situer. Ma façon à moi d’être féministe, c’est d’abord de refuser les inégalités basées sur le sexe. C’est aussi de ne pas accepter les raccourcis foireux du style « les filles sont comme ça », ou « les hommes aiment que »… C’est ne pas acheter de petite voiture à mon fils parce qu’il est un garçon, mais d’en acheter à mes enfants parce qu’ils aiment faire rouler des trucs. C’est en avoir assez d’entendre qu’un berceau de poupée est un joli cadeau pour une petite fille… C’est m’offusquer chaque fois que je lis un mot appelant les mamans d’élèves à faire des gâteaux, me navrer de voir que chez Casino, au-dessus du rayon bébé, on puisse lire un truc con du genre « tout pour aider les mamans », et avoir envie de distribuer des claques quand j’entend que « madame va être contente » parce que la cuisine est spacieuse. Etre féministe c’est aussi avoir envie que les choses bougent pour les femmes partout dans le monde, et espérer qu’un jour ce ne sera plus notre sexe qui définira ce que nous pouvons, ou non, faire. Et la liste pourrait continuer.

A partir de là, je n’ai aucune difficulté à cumuler féminisme et maternage. Déjà parce que si je materne mes enfants c’est par choix. Que celui-ci vient de ma volonté propre à moi toute seule. Que si j’ai décidé de rester à la maison c’est parce que j’avais envie de les élever en étant quotidiennement avec eux. Qu’aujourd’hui je m’épanouie complètement en travaillant un peu depuis la maison et en m’occupant d’eux, mais que je n’aurais pas aimé les savoir à la crèche ou chez une nourrice. Et que ce choix me convient à moi, mais pas forcément à toutes. Comme pour le reste, il n’y a pas une vérité mais plein de possibilités. Rien que pour ça je considère que ma vie de femme au foyer (pourtant officiellement et donc pour les statistiques je suis chef d’entreprise -mouhahaha-, mais mon quotidien reste surtout celui d’une maman à la maison !) n’a plus rien à voir avec celle des femmes d’il y a 50 ans. Etre mère au foyer comme l’était ma grand-mère, je le conçois, ça ne devait pas être épanouissant tous les jours… Entre les naissances qui se succédaient faute de contraception, le linge et la vaisselle à laver à la main, les repas à préparer toute seule, et éventuellement un petit Modes&Travaux de temps en temps comme unique loisir, ça ne me fait pas rêver ! Aujourd’hui j’ai du temps pour jouer avec mes enfants, je peux bouquiner pendant les siestes, m’informer, papoter, bavasser sur Internet, je suis libre de prendre du temps pour moi le week-end, et personne ne m’impose quoi que ce soit. Etre femme au foyer n’empêche pas d’être indépendante, ni même de dire merde ou de partir le jour où notre couple s’étiole. Financièrement c’est difficile, mais en même temps ça l’est aussi pour de nombreux couples où chacun travaille sans gagner beaucoup d’argent… Avec une bonne dose de courage, de la famille ou des amis aux épaules solides, à l’impossible nul n’est tenu !

En ce qui concerne les mères d’aujourd’hui, j’ai envie de dire à Mme Badinter et aux autres que le maternage n’empêche en rien la participation des hommes. Avant tout il me semble aussi important de souligner qu’on peut materner tout en travaillant. Un petit coup de cododo, une tétée avant de partir bosser, et une journée de travail classique, c’est possible ! Et puis même en étant à la maison, il n’est pas question de mener une existence de bonniche qui passerait son temps à faire le ménage. Si maman materne en journée, Papa peut passer un coup d’aspirateur en rentrant, mixer quelques légumes une fois le petit au lit, aller se promener avec le bébé en écharpe pendant que maman recharge ses batteries dans un bain moussant… Qu’on soit à la maison ou non, le maternage peut être pris en charge par les deux parents. L’argument de la femme totalement à la merci de son bébé qui n’aurait plus la moindre liberté s’étiole un peu si l’on considère que le cododo, les massages, le portage, le fait-maison peuvent se faire à deux. A écouter certaines critique, on imagine une femme complètement à bout dont toute l’énergie aurait été pompée par un bébé tyrannique… Même en ce qui concerne l’allaitement, si seule la maman peut évidemment donner le sein, ça n’empêche pas le conjoint de se lever la nuit pour changer le bébé et l’apporter à la mère, ni de faire un coup de ménage pendant une tétée, ni de donner le bain, jouer, câliner… Etre proche de nos enfants ne nous oblige pas à revenir au temps où la femme était un larbin !

Alors bien sûr il arrive aussi que certaines mamans soient moins entourées, et qu’effectivement devenir mère ressemble un peu à ce qu’a connu ma Mémé. Des femmes qui se coltinent tout, des mecs qui mettent les pieds sous la table, des mamans crevées qui se lèvent 5 fois par nuit pour allaiter le petit dernier et qui ensuite assurent la journée des aînés pendant que papa fait la grasse mat’ le samedi matin… Mais ça arrive peu importe le degré de maternage ! A l’époque de nos mamans (en tout cas de la mienne), la libération des femmes avait déjà eu lieu et la plupart travaillaient tout en gérant toute l’intendance de la maisonnée. Et encore maintenant, en plus de travailler, certainement assurent le ménage, les courses, les aller retours à l’école, les histoires du soir, un petit coup de repassage et encore quelques bricoles. Sans forcément allaiter, ni cododoter. (Je ne résume pas le maternage à ces deux choix, c’est juste que c’est ce qui revient le plus souvent et ce qui a tendance à être taxé d’anti-féminisme…) C’est un réel problème de voir qu’aujourd’hui des femmes ne profitent pas de toutes les avancées qu’il y a eu en matière d’égalité des sexes. Mais ça n’a rien à voir avec le fait de vouloir élever nos enfants selon leurs besoins. C’est un problème d’image de la femme dans notre société, éventuellement un problème de couple.

Etre à l’écoute de nos enfants et essayer de respecter leur rythme ne nous empêche pas d’être des femmes libres. Cela n’empêche pas non plus de former des couples équilibrés où les hommes peuvent eux aussi participer à ce qu’il est courant d’appeler maternage. Papa-des-Champs a longtemps donné la main à notre Belette pour l’endormir, quand son berceau était dans notre chambre. Il a aussi épluché des tonnes de pommes et de poires pour faire les compotes et s’est fait baver dessus par nos mini kangourous en écharpe. Je n’étais pas seule pendant ces premiers mois où l’on se demande parfois si un jour on retrouvera un peu de temps libre. C’est d’ailleurs justement en montrant à nos enfants qu’ils sont au centre de nos vies, que nous formons une famille où nous nous portons mutuellement de l’attention, que j’espère leur inculquer le respect de l’autre et l’égalité homme-femme. Leur montrer que je peux être femme et mère en même temps, et que prendre au sérieux leur bien-être ne m’empêche pas d’être libre.

Etre leur maman

Etre leur maman

Etre leur maman, c’est une bonne dose de câlins matin, midi et soir, c’est leurs petites mains dans les miennes quand on entend une voiture qui approche, c’est chanter à tue-tête Savez-vous planter les choux. Etre leur maman c’est aussi essuyer les gouttes de compote sur la table, se tremper les genoux pendant qu’on les douche, leur répéter vingt fois par repas de ne pas taper leurs coudes sur la table, ramasser les feutres qui roulent et tombent tout le temps par terre. Etre leur maman c’est choper leurs microbes et traîner un rhume depuis une semaine, quand eux n’ont été malades qu’une demi journée…

Etre la maman de Belette c’est l’aider cinquante fois par jour à changer la couche de son bébé (je serais elle, je l’emmènerais voir un docteur, parce que là vraiment y’a un truc qui cloche !), c’est lui expliquer à longueur de journée que non, on ne se brosse pas les dents chaque fois qu’on entre dans la salle de bain,c’est lui donner des petits bouts de légumes crus pendant que je prépare le repas, embrasser ses pieds pour la faire rire après chaque bain. Etre sa maman c’est aussi regarder et commenter le même imagier des animaux de la ferme une dizaine de fois par jour, remettre puis enlever, et remettre puis enlever, et remettre une dernière fois le nouveau bonnet de Kiki (merci Mamie !), et c’est aussi réussir à comprendre ce qu’elle veut alors que son vocabulaire ne comporte pas plus de 3 mots. C’est rire avec elle quand elle se cache derrière sa commode, l’empêcher de lécher les vitres, et essayer de faire des couettes symétriques. Etre sa maman ça ressemble parfois étrangement à être la maman de son frère quand lui aussi avait 18 mois. C’est lire les mêmes livres, surtout celui sur les bruits des oiseaux, et c’est la féliciter lorsqu’elle arrive à imbriquer les petites formes en bois dans la grande tortue.

Etre la maman de Belette c’est aussi être là quand elle a peur. Samedi, c’était l’accueillir tout contre moi quand, en apercevant la guitare de son papa, elle s’est jetée dans mes bras. La câliner tout plein, mettre des mots sur ce qu’elle ressentait, la rassurer, lui dire qu’elle ne risquait rien, la garder longtemps comme ça, en caressant doucement ses cheveux. Etre sa maman à ce moment-là c’était chouette. Et ça m’a rendue fière, parce qu’il y a encore quelques mois Belette s’enfuyait en hurlant comme un putois dès qu’elle voyait la guitare. Samedi elle a choisi de rester dans la pièce et de regarder ce qui lui faisait peur. Avec un petit hoquet dans la respiration et quelques petits miaulement, mais surtout en faisant des bras de sa maman le meilleur abri du monde. Et y’a pas à dire, mais être le refuge choisi par la plus mignonne des belettes à couettes, c’est sacrément gratifiant ! Etre la maman de Belette et sentir sa peur s’envoler à force de câlins, la savoir courageuse grâce à ma présence, vivre avec elle cette grande émotion, lui chuchoter toute la tendresse qu’elle m’inspire… Etre la maman de Belette et se sentir utile, ça fait tout chaud dans le coeur.

Kiki s'est fait rhabiller pour l'hiver !

Kiki s’est fait rhabiller pour l’hiver !

Etre la maman de Poussin c’est insister pour qu’il se lave les mains en rentrant de l’école, lui répéter 20 fois de faire attention avec ses manches au-dessus de l’assiette, lui dire de ne pas faire couler l’eau trop longtemps, lui courir après chaque matin pour le coiffer au moins un peu. Etre la maman de Poussin c’est aussi le câliner en regardant un épisode de Pierre Lapin sur l’ordinateur, lui raconter des histoires d’ours et d’autres avec des petites souris, c’est l’autoriser à se servir tout seul du lecteur CD du salon, danser comme une folle avec lui, et écouter en boucle Anatole (en vrai c’est un abécédaire écrit par Boris Vian et chanté par Debout sur le zinc). C’est répondre à ses questions pertinentes sur les dinosaures et sur les noms des animaux, c’est lui répéter qu’il dessine super bien et qu’il ne doit pas avoir peur de rater, et m’extasier réellement sur son coloriage qui ne déborde pas. Etre sa maman c’est rire de ses grimaces et l’amuser en faisant des voix rigolotes, passer plus de temps à faire le ménage chez les Playmobils que dans ma propre maison, lui raconter des histoires qu’il récite en même temps que moi tellement il les connaît par coeur. C’est lui rabâcher que s’il ne veut pas avoir d’eau dans les yeux il a qu’à pencher la tête en arrière et fermer les yeux. Et surtout FERMER LES YEUX !!!

Etre la maman de Poussin c’est aussi avoir réussi à apaiser ses couchers et en être drôlement contente ! Parce que depuis un bon moment, Poussin nous rappelait facilement une ou deux fois le soir, dans un créneau qui allait de 5mn à 55mn après le rituel histoire-câlins-bisous. En hurlant de préférence, pour être bien certain qu’on raboule le plus vite possible… Et être la maman de Poussin, l’entendre brailler, aller le voir, le découvrir tout sourire, l’entendre nous conter des histoires de cauchemar (5 mn après lui avoir dit bonne nuit, un énorme sourire au coin des lèvres, hyper crédible !) ou nous demander un dixième bisou-qui-fait-pas-de-bruit, ben c’est un peu pénible. Essayer de discuter, de le faire parler, de comprendre ce qui ne va pas, essayer la fermeté, revenir à la douceur, s’énerver un peu, et voir que rien ne fonctionne… Dimanche soir, être la maman de Poussin a consisté à avoir l’idée du siècle en lui proposant de lui laisser un truc à moi sur sa table de nuit, pour être un peu avec lui même si je ne suis pas dans sa chambre la nuit. Je pensais à mon bracelet ou à mon doudou en forme de rat ; j’espérais qu’il ne réclame ni mon Kindle ni une de mes bagues… Il a finalement demandé un livre. J’avais donc eu un peu raison de trembler pour mon kindle, et j’étais ultra flattée que mon fils symbolise ma présence par celle d’un bouquin ! Etre la maman de Poussin à ce moment-là c’était chouette et ça voulait dire qu’il me connaît bien. Je lui ai donc proposé mon livre préféré : Les Fleurs bleues de Queneau. J’aurais pu choisir Belle du Seigneur ou Le Dernier jour d’un condamné, mais les aventures délirantes du Duc d’Auge et de Cidrolin me semblaient plus appropriées. La couverture de l’édition de poche a bien plu à Poussin. On a regardé ensemble le cheval et le morceau de bateau, il a reconnu le P de Papa et de Papi, et il a décidé de coincer le bouquin dans un coin du matelas, juste à côté de sa tête. Avant il l’a feuilleté un peu, et nous avons remarqué qu’il n’y avait pas d’images. Alors Poussin m’a dit qu’il le lirait quand il sera grand. Là encore, être la maman de Poussin c’était génial ! Même si plus tard il trouve que mes livres sont trop nuls et que Queneau écrit n’importe comment, et qu’en plus on ne comprend rien à ces histoires de péniche et de cheval qui parle… Etre la maman de Poussin, depuis dimanche, c’est avoir un petit garçon qui n’appelle plus le soir et qui a de sacrés projets littéraires !

La couverture qui intrigue tout ceux qui ne l'ont pas lu !

La couverture qui intrigue tout ceux qui ne l’ont pas lu !

Etre leur maman c’est parfois magique. C’est difficile aussi, parce qu’il y a le quotidien, les petites crises, le rhume qui fait mal à la tête et les disputes pour rien. Etre leur maman c’est les aimer tout le temps, quoi qu’ils fassent, et être fière d’eux. Etre leur maman est le plus périlleux des projets, mais de loin le plus beau.

Pareils mais pas trop

Pareils mais pas trop

Ils se ressemblent beaucoup ! Ces deux-là, on ne peut pas dire qu’ils ne sont pas frère et soeur ! Ah oui dis donc, vous les avez signés ! Aha, on voit qu’ils viennent du même moule ! Ils sont jumeaux ?? (bon, la dame était vieille et elle les voyait de loin, parce que sinon ils ont quand même une vingtaine de cm d’écart) C’est fou ce qu’elle ressemble à son frère ! 

J’entends très souvent ces remarques. Parfois loufoques par les termes choisis, parfois un peu lourdes quand 6 voisins encerclent mes enfants pour lister leurs ressemblances, mais toujours plutôt vraies.Parfois c’est moi aussi qui remarque à quel point Belette a exactement les mêmes traits que son frère au même âge. Parce que oui, Poussin et Belette se ressemblent beaucoup, et ça saute aux yeux. Sur certaines photos de leurs premiers mois, on peut même avoir du mal à les distinguer. Pour peu que Belette porte un pyjama ayant déjà appartenu à son frère, il m’est déjà arrivé de regarder la date de prise de vue pour savoir qui était le bébé sur le la tapis d’éveil ! Cette ressemblance me plaît. Honnêtement, s’ils avaient été très différents l’un de l’autre ça ne m’aurait pas posé de problème, mais maintenant que c’est comme ça, je trouve ça chouette. Ils sont mignons pareil, leurs sourires dédoublés nous inondent de bonheur, leurs regards brillent de la même façon, nous rappelant combien nous formons une chouette famille et comme c’est chouette d’avoir créé une fratrie. Le petit détail que j’aime le plus, c’est qu’ils portent la même marque de naissance que moi, au même endroit. Un petit croissant à peine doré sur la hanche droite. J’avais été émerveillée de la retrouver sur Poussin, je fus comblée de l’apercevoir sur Belette ! Sans le savoir, ma voisine avait raison : mes enfants sont signés !

Ce qui est encore mieux, quand on a des enfants qui se ressemblent, c’est de remarquer qu’ils ont aussi plein de différences. Poussin a les yeux noirs, un regard ultra malicieux composé de deux jolies billes très foncées. Sa soeur a les yeux marrons. Pas tellement comme les miens, mais un marron peut-être plus proche de celui de son Papa, doux et pétillant. D’ailleurs, si tout le monde s’accorde pour dire que les enfants se ressemblent énormément, il apparaît aux yeux de tous que Belette tient plus de son papa et Poussin plus de sa maman. Je trouve aussi. En regardant Poussin, j’y retrouve aussi très souvent les traits de mon grand frère. Le sourire surtout. A l’inverse, Belette a parfois des expressions qui m’évoquent la mamie de Papa-des-Champs. Elle a aussi un peu de sa petite soeur, et son papa trouve qu’elle a régulièrement des airs de sa cousine O., surtout les cheveux mouillés. Joyeux mélange !

Je ne suis pas forcément adepte du jeu des ressemblance lorsqu’un bébé vient au monde, et ça ne m’aurait pas peinée si mes enfants n’avaient ressemblé à personne. J’avoue que pourtant, j’aime retrouver un peu de nos familles en eux. Pas nécessairement des traits précis d’ailleurs, mais plutôt des airs, des gestes. Un atavisme plus que des gênes communs. J’aime qu’ils ressemblent aux gens qu’on aime parce qu’on les aime, peu importe si le même sang coule dans leurs veines. Il y a quelques années, j’ai rencontré un ami qui n’avait pu apporter sa contribution génétique à la conception de ses jumeaux. Des enfants qui pourtant avaient beaucoup en commun avec leur père, ce que ne cessaient de souligner ceux qui ne connaissaient pas leur histoire. Et les autres aussi, parce qu’effectivement il y avait un petit quelque chose. On m’a également souvent dit que je ressemblais au père qui ne m’avait pas conçue, comme quoi ! Si j’aime que mes enfants ressemblent à leur tante ou à leur arrière grand mère, c’est parce qu’ils s’inscrivent dans leur chemin, dans leur histoire. Ils prennent place dans la grande famille qui les a vus naître. Ils la complètent, la continuent, la font vivre. Parce que si nos enfants sont issus de la rencontre fortuite entre nos gamètes, ils sont surtout le fruit de notre amour et du croisement de nos deux univers. Ils nous rappellent d’où nous venons, comment nous avons vécu, ce que nos familles nous ont légué ; et surtout ils nous montrent où on va. Leurs ressemblances, mutuelle ou piochée sur les visages de leurs aïeux, nous offrent aussi à voir ce qui est propre à chacun d’eux et qui fait qu’ils sont assurément des êtres uniques.

Oui je l'ai déjà mise... mon stock de photos "de dos" est épuisé...

Oui je l’ai déjà mise… mon stock de photos « de dos » est épuisé…

Bientôt je vous raconterai comment deux gnomes aux physiques si semblables peuvent avoir des caractères aussi opposés !