Compagnons de route

Compagnons de route

Ils m’accompagnent depuis toujours ou presque. J’aime le bruit de leurs pages qui se tournent, leurs odeurs qui ne sont jamais les mêmes, et j’aime par-dessus tout les histoires qu’ils racontent. Certains livres m’ont ouvert l’esprit, d’autres m’ont ennuyée, beaucoup m’ont émue, quelques-uns m’ont changée. Si tous ne m’ont pas laissé de souvenir précis, il y en a certains qui m’évoquent des moments particuliers. Ils ont jalonné ma route et se rapportent à mon histoire. Ils font littéralement partie de moi.

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Je devais avoir 8 ou 9 ans, nous étions en vacances d’été et j’ai découvert la Comtesse de Ségur avec Les Malheurs de Sophie. Je me souviens qu’ensuite j’ai avalé un de ses livres par jour pour vite connaître la suite des histoires de Sophie, Camille, Madeleine, Paul et les autres…

Plus tard, j’ai fait la connaissance d‘Emma Bovary au fond de mon lit, incapable de me lever avant d’avoir fini, tellement j’étais captivée. Alors que c’est assise, dans le grand fauteuil marron près du radiateur du salon, que j’ai rencontré Victor Hugo avec Quatre-vingt treize. Un roman qui m’a bouleversée alors qu’au début j’avais sauté quelques pages pour aller plus vite et finir au plus tôt ma fiche de lecture… J’ai regretté ! La même émotion m’a submergée quand je lisais L’homme qui rit, pendant nos vacances à l’Ile de Ré entre deux balades à vélo. En fait je crois bien que tous ses textes m’ont touchée, chacun à leur façon. Pas possible non plus d’oublier que c’est encore avec Hugo que j’étais, dans les couloirs de la clinique, à  l’aube (à l’heure où blanchit la campagne, si si !!) , attendant de vérifier si mon traitement pour l’ovulation faisait effet… Je n’avais pas encore terminé Les Travailleurs de la mer lorsque j’ai appris qu’un mini poussin grandissait dans mon ventre !

Peu après j’ai adoré Belle du Seigneur, une main sur le ventre, me disant que Solal ferait un bien joli prénom pour un futur petit garçon, que j’imaginais forcément brun aux yeux noirs. Celui qui joue en face de moi à l’heure où j’écris a certes les yeux les plus foncés que je connaisse, mais ses cheveux sont châtains. Et son prénom est celui d’un autre personnage de la littérature. Mais pour celui-là, je connaissais le prénom et je l’aimais déjà avant de lire le livre !

Quelques années avant, à Paris, j’avais passé quelques délicieuses semaines avec Thomas Mann et sa Montagne magique. Une ascension difficile, mais tellement belle ! Le livre de poche, usé à force d’être trimbalé dans mon sac, m’avait même accompagnée à Vienne, où je me souviens l’avoir lu allongée dans un parc à l’ombre de vieux arbres. De fait, j’associe toujours les livres à l’endroit où je les ais lus. Même si ça n’a rien à voir. Comme lorsque j’ai lu Elles n’avaient jamais vu la mer dans le Thalys qui nous menait à Amsterdam, ou l’Alchimiste dans l’avion pour aller en Corse (j’étais jeune et en le refermant je me suis quand même demandé si c’était pas un peu niais). Les Fourmis de Werber m’évoquent nos premières vacances en couple et la terrasse ensoleillée de la piscine du camping. Juste après j’avais lu Les Nuits fauves, pour un changement d’ambiance radical ! Je me souviens aussi avoir lu La Métamorphose de Kafka en attendant le bus pour mon tout premier boulot, une mission d’interim au fin fond d’une zone industrielle. Et puis Rabelais, de Gargantua au Cinquième livre, dans le RER D qui séparait ma banlieue de Paris. Comme quasiment tous les livres lus pendant ma fac de lettres, de Marguerite de Navarre en passant par Gide et Isaac Bashevis Singer.

Je me souviens aussi de l’Assommoir et de Germinal, lus bien tardivement. Le premier en Auvergne ,lors de nos premières vacances en famille, pendant les siestes étonnamment longues d’un poussin de 5 mois, alors qu’à la maison je m’arrachais les cheveux… Le second m’a accompagnée pendant ma dernière soirée nantaise, en mode maman solo sans internet, sans télé et sans radio. Je l’ai terminé quelques jours plus tard en Bourgogne, une main posée sur ma Belette, qui ne trouvait le sommeil que comme ça !

Belette qui, elle, a été fabriquée au moment où je lisais Le Choeur des femmes de Martin Winckler (enfin pas pile poil pendant ma lecture hein, n’exagérons rien !!!). Je le sais parce que c’est le livre que le lisais dans la salle d’attente le jour où j’ai fait retirer mon DIU, date retenue comme étant celle de la conception d’après les échographies. Sur le coup j’avais trouvé ça vraiment marrant, de lire une histoire de gyneco justement dans la salle d’attente du mien, un type aussi chouette que le personnage de Winckler !

Il y en a eu plein d’autres mais je n’ai pas assez de place pour tous les citer. Sombre dimanche, prix Inter 2013, lu dans le train qui m’emmenait vers les délibération du prix 2014 ; puis à mon retour Mabanckou lu dans une chaise longue au milieu du jardin. La Douleur de Marguerite Duras dans l’avion en quittant Budapest, Bonjour tristesse de Sagan en mode sardine dans le RER A… Il y a eu aussi La Terre, Zola toujours, commencé en version papier et terminé sur la liseuse que je venais de recevoir à Noël.

Mille autres ont compté, dévorés sur le canapé, dans mon lit, dans le métro, au soleil ou près du feu. Les suivants m’attendent…

4 Responses »

  1. J’associe également un livre à un lieu ou un moment dans ma vie mais très peu m’ont marquée plus que cela…
    Peut-être fais-tu de bons choix !

  2. Non, tu n’es pas une psychopathe de la mémoire! Moi aussi j’associe certaines lectures marquantes à des lieux précis et à des ambiances, à la saison etc. C’est parfois très fort, rien que d’évoquer un titre et hop, une madeleine…

  3. Quel bel article !
    Je m’y reconnais. Cette année, j’ai beaucoup aimé RElire certains romans. Voyageant alors vers le lieu et l’ambiance de la première lecture…

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