Archives mensuelles : juin 2018

Sauver le monde avec de la bière et du café !

Sauver le monde avec de la bière et du café !

Il y a des jours où l’on se dit qu’on a de la chance. De la chance d’être nés ici et maintenant, de la chance d’avoir une maison sympa, de quoi se nourrir, s’habiller, profiter de la vie, de la chance d’avoir des gens qui nous aiment et des gens à aimer, de jolis paysages à regarder et de bons moments à partager.

Mais.

Il y a aussi des jours où l’avenir ne semble pas franchement synonyme d’optimisme. Des jours où tout paraît menaçant : les catastrophes écologiques, les désastres humanitaires, les guerres, la violence, la bêtise… Ces jours-là, notre foi en l’humanité en prend un sacré coup.

Quand j’étais jeune et naïve, je croyais fermement au progrès. J’ai longtemps pensé que tout irait forcément vers le mieux. J’ai imaginé que l’humanité avait tiré des leçons du passé, j’ai cru au « plus jamais ça », à l’entraide entre les peuples, à la solidarité. J’ai appris la tolérance, à la maison et à l’école, et bêtement j’ai pensé que tout le monde apprenait la même chose. Et surtout, que tout le monde retiendrait la même chose. Inconsciemment, j’étais persuadée que tous les humains de ma génération partaient avec ces mêmes bases, et que le monde deviendrait forcément meilleur. Dans ce futur idéal, personne ne se serait tapé dessus, personne n’aurait jeté ses papiers par terre, et personne n’aurait fait attention à la religion ou à l’apparence de son voisin.

Pourtant, j’ai grandi à une époque où la guerre sévissait encore en Europe de l’est et j’ai vu les photos de la famine en Afrique. Ça aurait pu m’interpeller. Oui, mais comme on envoyait des sacs de riz en Somalie, et comme on m’a appris qu’il fallait arrêter la guerre et aider les gens qui la fuyaient, j’ai cru que les problèmes ne pouvaient que se régler. En s’y mettant tous ensemble on ne pouvait que réussir.

Depuis, j’ai eu quelques désillusions.
J’ai eu 18 ans en 2002 et j’ai voté pour la toute première fois un certain 21 avril.
Je me suis disputée avec des gens parce que je n’ai pas réussi à me taire quand ils ont évoqué l’idée de rétablir la peine de mort… en préventif, pour d’éventuels futurs peut-être criminels…
J’ai entendu des gens que je pensais intelligents et tolérants se complaire dans l’homophobie ordinaire.
J’ai eu à expliquer que si, si, on pouvait plaisanter et même sourire à un mec sans nécessairement avoir envie de coucher avec.
Je rencontre parfois des gens, pas si vieux, qui jugent les autres sur leur coupe de cheveux, leur piercing ou leurs vêtements.
Et puis les bidonvilles au cœur des grandes villes, les bateaux humanitaires qu’on laisse se démerder, la misère sociale, les faits divers sordides…

À côté de tout ça, j’essaye de ne pas gâcher l’eau, j’utilise des sacs réutilisables pour acheter les légumes, et je culpabilise un peu quand j’achète une mangue ou un avocat qui ont beaucoup trop voyagé avant d’arriver dans ma cuisine. J’aime l’idée des potagers partagés, j’admire les gens qui parviennent à vivre en mode « zéro déchet », et j’ai envie de croire qu’en sensibilisant les enfants on arrivera à protéger un peu plus l’environnement. Oui, mais je connais aussi des gens qui ne trient pas leurs poubelles parce que « ça prend trop de temps ». On ruine les sous-sols pour avoir de jolis téléphones, on sur-consomme, on sur-emballe… Pire, il ne suffit pas d’être convaincu pour être irréprochable.
Je suis par ailleurs persuadée que les efforts individuels ne valent pas grand chose à l’échelle planétaire et je crains que mes petits gestes écolos ne fassent pas vraiment le poids face à la pollution industrielle et à la déforestation.

J’ai lu Hugo, Rabelais, Stefan Zweig et bien d’autres, et j’ai espéré que la littérature pourrait sauver le monde. Maintenant je sais que c’est peine perdue. Alors je lis Alice Zeniter, Dany Laferrière ou Lola Lafon, et je me dis qu’à défaut de sauver le monde, la littérature me sauvera peut-être moi. C’est déjà ça.
J’essaye d’assurer la relève en lisant du Claude Ponti et du Tomi Ungerer à mes enfants, en espérant les sauver eux aussi.

Quand j’ai commencé à vouloir des enfants, il y a 10 ans, j’étais encore un peu optimiste. Aujourd’hui je le suis beaucoup moins. J’essaye de valoriser le bien, l’humain, d’apprendre aux enfants ce qui est juste, de leur transmettre les valeurs qui me semblent importantes. Mais bof. Ils entendent aussi quand je m’emporte légèrement (ou pas légèrement du tout !) et que je raconte à leur père à quel point les gens peuvent être cons. Ils connaissent les surnoms pas très gentils dont j’affuble ceux qui m’agacent le plus. (Surnoms qui m’échapperont forcément en public un jour ou l’autre…). En somme, ils ont compris que ma propre tolérance avait parfois des limites…
Ils savent que malheureusement certaines personnes ont des idées pourries (yep, tout dans la subjectivité !) et que c’est pour ça que je râle souvent en écoutant la radio le matin.
Enfin, ils se doutent certainement que si on n’arrive déjà pas à s’entendre à l’échelle d’un village, ça risque d’être un peu compliqué pour construire un monde meilleur ! J’en suis navrée pour eux.

Du coup, pour eux, pour mes enfants et ceux des autres, est-ce qu’on ne pourrait pas quand même essayer ? Au moins un peu. Rien qu’un peu.
Parce qu’au delà des gens qui déçoivent et des contrariétés, il reste les belles rencontres, les connivences et les sourires. Les soirées à refaire le monde, les souvenirs qui font du bien, les voisins serviables et l’humour à deux balles. La musique, les livres et l’envie d’être ensemble.

Dans mes moments de doute, parfois je me dis que ça irait bien mieux si on se réunissait tous pour se donner la main et boire des bières ! Ou du café, si vraiment il est trop tôt. On verra.

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