Le retour des mamans-gâteaux, ou le festival des stéréotypes !

Le retour des mamans-gâteaux, ou le festival des stéréotypes !

La Mairie a encore frappé… Sur le petit carton d’invitation au spectacle de Noël des enfants, il est demandé aux « mamans gâteaux » de préparer des pâtisseries pour le goûter.
En revanche, le rôle des hommes n’est pas précisé. On ne sait pas si les « papas-bûcherons » devront couper des sapins ou si les « papas-tournevis » seront réquisitionnés pour fixer les étagères de la cantine.

Je déteste l’expression « maman gâteaux ». Elle nous avait déjà horrifiés au début de notre installation dans le village. Si bien qu’en arrivant au Conseil Municipal, deux ans plus tard, Papa-des-Champs avait suggéré un petit changement en expliquant le pourquoi du comment. Certains élus étaient d’accord. Pour d’autres c’était moins évident.
Pour ceux-là, vouloir changer les mots, c’est « se prendre la tête pour pas grand chose ». Ça suscite l’amusement ou l’agacement, c’est plus ou moins bien compris. On passe pour des emmerdeurs, des extrémistes (ben voyons !), certainement pour des gens qui n’ont rien d’autre à foutre…
Le mot avait donc été changé. Cette année, je ne sais pas pourquoi, les mauvaises habitudes sont de retour.

Parfois, les gens ont du mal à comprendre que les mots ne sont pas que des mots, qu’ils ont une signification, que derrière il y a des représentations et des schémas porteurs de valeurs différentes. Ce n’est pas une lubie. Notre objectif n’est pas d’enquiquiner le monde, mais plutôt de le faire tourner un peu plus rond.

Ce soir, en découvrant ce petit carton d’invitation j’ai été en colère. Je le suis encore. J’ai eu envie d’écrire à la mairie pour marquer le coup, je me suis demandé si j’essaierais d’être pédagogue ou ironique… mais finalement à quoi bon ? Passer encore pour la pénible de service…

Je sais que la secrétaire de mairie n’a pas pensé à mal et qu’elle sait très bien que les hommes aussi peuvent cuisiner. Oui, sauf que considérer que c’est une expression et que ce n’est pas grave, c’est accepter aussi les expressions homophobes ou racistes, c’est penser que l’égalité des sexes ce n’est pas si important que ça, c’est valider les stéréotypes.

Juste avant de me donner le fameux mot de la mairie, Belette me racontait justement qu’aujourd’hui, à l’école, dans un exercice il y avait la phrase « maman fait ses courses »… Comme elle est déjà sensibilisée (certains diront lobotomisée, mais ceux-là je les invite à aller se faire voir !) elle a barré « ses » et l’a remplacé par « des ». Ça aura le mérite de faire sourire la maîtresse !
Là encore c’est une expression, « faire ses courses, laver son linge, ranger sa cuisine »… mais une fois de plus ça laisse entendre que les courses, le linge et la cuisine sont des domaines féminins. Tous les ans, dans tous les manuels scolaires, on tombe sur ce genre d’horreurs. Ce n’est pas ce que j’ai envie de transmettre à mes enfants. Ce n’est pas ce que nous avons décidé, nous parents, de transmettre à nos enfants.

C’est lassant. On les élève en fonction de ce qu’on pense être le mieux, mais ça ne suffit pas, il faut aussi rattraper les aberrations auxquelles ils sont confrontés chaque jour. Il faut rattraper les âneries proférés par les gamins abreuvés de pubs et de représentations complètement dépassées.

Ce soir je n’en peux plus des stéréotypes ! Je ne veux pas que mes enfants grandissent dans une société incapable de se remettre en question. Je ne veux pas qu’ils fassent des choix guidés par des stéréotypes archaïques. Je ne veux avoir l’impression d’embêter le monde alors que l’égalité femmes-hommes est censée être une évidence. En 2019 en France…

J’en ai marre qu’on me demande en gloussant si c’est mon mari qui « fait la nounou » quand je sors sans lui (bah non, il est juste dans son rôle de père, ducon !), j’en ai marre d’entendre des réflexions pourries du genre « c’est important pour une maman d’être là pour les devoirs » (ah ?! avoir des testicules empêcherait de faire réviser les mots de la dictée ?!), j’en ai marre qu’au boulot les bénéficiaires pensent qu’ils peuvent m’appeler par mon prénom, alors que mon collègue est systématiquement appelé « monsieur ». Je ne veux plus qu’on dise à ma fille de demander « à maman » de lui faire une queue de cheval pour le sport (pas de bol, chez nous le matin c’est papa qui coiffe), je ne veux plus encourager Poussin à se blinder, parce ses goûts et ses choix seront certainement sujets de moquerie un jour ou l’autre.

4 Responses »

  1. Vos mots me vont droit au coeur car oui les mots ont leur importance;que l’on soit grand ou petit je l’affirme haut et fort;qu’ils soient dits ou écrits d’ailleurs;car qu’ils soient dits ou lus ils ont un impact;ils « disent » ;ils dictent;lorsqu’ils sont compris ils ont un pouvoir!Et moi itou je me bats pour que l’on ne les considère pas comme anodins!Du coup moi également je passe quelquefois comme l’empêcheuse de tourner en rond c’est certain mais je l’assume et lorsque l’on me demande des conseils pour exprimer par écrit ou par la parole à un enfant ou un adulte quoique que ce soit…et bien alors je me dis que rien n’est inutile et qu’au moins mon travail auprès des petits;de leur parents et de tous ceux que je côtoie dans mon cercle familial ou social porte ses fruits et tant pis pour ceux que cela enquiquine pour être polie!A bas les stéréotypes;les expressions soi-disant rigolotes;et le monde oui tournera plus rond!Merci Maman des Champs et Papa des Champs et Poussin et Belette!!

    • Ce message me fait très plaisir, merci !
      Ce qui m’use le plus, c’est de considérer que les mots sont des détails et qu’il n’y a donc pas besoin d’y faire attention. Au contraire, on pourrait se dire que ça ne coûte pas grand chose de changer un mot pour un autre…

  2. Évidemment que je suis d’accord avec toi et que je lutte au quotidien.
    J’ai réussi à faire passer l’écriture inclusive à mon travail dans des documents officiels pour la mairie de Paris, pas seulement celle d’arrondissement.
    C’est long, c’est parfois à s’arracher les cheveux et donc je suis celle qui doit se retaper la relecture des documents mais je constate que mes collègues intègrent l’écriture et se corrigent.
    Nous allons faire une journée sur le féminisme ou l’égalité entre genres… ce qui donc reste polémique et nous partons justement en réunion pour débattre sur le contenu de cette journée et le titre.
    Nous sommes pourtant assez déconstruit·e·s et pourtant, cela reste un sujet sensible et pour cela, nous allons plancher sur des questions telle que existe-t-il des féminismes ? Un homme peut-il être féministe ? Bref… histoire de savoir où nous nous embarquons.
    Donc, l’histoire de la « maman gâteaux »… autant te dire que je suis de celle qui monterait rapidement au créneau !
    Et belette a bien raison de corriger les phrases dites toutes faites !

    • Ah oui, l’écriture inclusive selon les destinataires c’est plus ou moins évident ! En général j’adapte selon le contexte pour que tout le monde comprenne, sinon on en perd en route !

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