Archives mensuelles : janvier 2020

10 ans !

10 ans !

Poussin est né il y a dix ans. 10 ans ! C’est fou !

Une décennie de parentalité. Une décennie à s’émerveiller de petits riens et de pas de géant.

Le secret : prendre de la hauteur !

Des inquiétudes à la pelle. Des questions tout le temps, sur tous les sujets, à toutes les occasions.
Des milliards de câlins, des grimaces pour se faire rire, des surprises pour se faire plaisir.
Des centaines (des milliers ?!) d’histoires lues le soir, le matin, après la sieste, dans le jardin, dans les salles d’attente, sur un banc, en chuchotant, en prenant des voix ridicules, en faisant des mimes… et encore une autre, maman, s’il te plaît, elle était toute courte celle-là.

Dix ans et des négociations pour tout et n’importe quoi : pour un tour de toboggan en plus, pour se faire accompagner chez un copain alors que c’est dimanche et qu’on a la flemme, pour un yaourt au chocolat, pour un quart d’heure de lecture en plus avant de se coucher…

Dix ans à crier plus qu’on aurait voulu. A s’agacer pour des broutilles, à perdre patience pour trois fois rien un jour, mais à être un puits de patience pour quelque chose de bien pire le lendemain. Culpabiliser parce qu’on s’est fâchée un peu fort, entendre d’autres parents brailler sur leurs mômes, se dire que finalement on est plutôt cool. Dix ans à lire des bouquins qui parlent d’éducation bienveillante et de psychologie positive, dix ans à se demander si Isabelle Fiolliozat serait toujours aussi douce et compréhensive à notre place, avec un Poussin qui ne rentre dans aucune case !

Dix ans d’hypersensibilité. Dix ans à ne rien faire comme tout le monde. Dix ans à osciller entre « c’est génial d’avoir un enfant différent » et « mais purée pourquoi ce gosse ne fait-il jamais rien comme les autres ? »… Il y a des jours plus difficiles que d’autres, des périodes de doute et d’autres où tout est sous contrôle. En ce moment ça va. Ça ira peut-être nettement moins bien dans une semaine.

Nos premières mois ensemble ont été les plus difficiles de ma vie, vraiment. Je ne dormais presque pas, soit parce que Poussin ne dormait pas non plus, soit parce que je n’arrivais pas à lâcher prise. J’étais épuisée et inquiète. Je l’ai été de moins en moins, mais vraiment, ça a été difficile. Au bout de quelques semaines il y a eu du mieux. Au fil du temps c’est devenu plus simple, plus naturel. Poussin a commencé à sourire, puis à rire, et j’ai été rassurée. Plus les semaines passaient, plus c’était évident. Il n’a jamais été un gros dormeur et il détestait être ailleurs que dans nos bras, mais on a fait avec et c’était très bien comme ça.

Les gens disent souvent que l’épuisement des débuts et les difficultés s’oublient. Je n’en suis pas si sûre. Je pense qu’on n’oublie pas et heureusement. Au contraire, je trouve ça plutôt bien de se souvenir de tout ce qu’on a traversé, ça permet d’apprécier le chemin parcouru et de constater les progrès. Les difficultés font partie de nos vies, alors autant les accepter sans avoir à modifier notre mémoire !

Poussin a 10 ans et c’est un chouette petit garçon. Il a le même regard vif et brillant que lorsqu’il était bébé. Il a toujours un insatiable besoin d’affection et une demande d’attention exclusive. On essaye de les satisfaire, ou au contraire on essaie de lui faire comprendre pourquoi c’est impossible, on se questionne beaucoup, on s’adapte comme on peut. Ce n’est pas toujours simple, c’est même parfois usant, mais c’est comme ça. Ce qui est certain, c’est qu’en quelques années Poussin a énormément progressé et gagné en autonomie. C’est impressionnant de voir le chemin parcouru !

Poussin est particulier, mais pas seulement. Il est aussi et surtout curieux, marrant, passionné, sensible et futé. Etre sa maman est une formidable aventure !

Côtoyer la misère

Côtoyer la misère

Il y a des journées plus difficiles que d’autres. Il y a de l’agacement, de l’incompréhension, des lassitudes… Il y a aussi beaucoup d’espoir, parfois. Des surprises, des réussites là où on ne l’imaginait pas, des bonnes nouvelles.

C’est ce que j’aime bien dans mon boulot, c’est que rien n’est défini d’avance. Bien sûr, il y a des gens qu’on arrive à cerner très rapidement, des premières impressions qui ne trompent pas, mais n’empêche, ce qui est chouette c’est qu’en travaillant au contact des gens, rien n’est jamais figé.

Oui, je vois de la misère tous les jours et parfois c’est assez lourd. Il y a des situations très compliquées, de la souffrance, des gens complètement perdus qu’on n’arrivera peut-être jamais à faire évoluer. Ça peut être déstabilisant. Quand on n’a jamais été confronté à cette misère sociale, affective ou culturelle, on a même du mal à l’imaginer. Très souvent, mon entourage tombe des nues quand je parle de certaines situations, quand j’évoque le fossé qu’il y a entre certains de mes bénéficiaires et notre vie à nous.

Quand j’ai recommencé à travailler dans le social, cet automne, je savais à quoi m’attendre et j’ai repris mes marques très rapidement. Il y a dix ans, par contre, quand je suis sortie de la fac et que j’ai atterri dans le monde de l’insertion, le choc a été beaucoup plus rude ! C’était difficile parce que je n’avais pas de recul, parce que je ne me connaissais pas assez bien et que j’étais incapable de gérer toutes les émotions qui m’assaillaient, parce que je ne savais pas quand, comment et pourquoi mettre de la distance entre les gens et moi. Aujourd’hui c’est plus simple.

L’injustice et la misère me sautent aux yeux tous les jours. Il m’arrive d’être touchée, d’être dans la compassion, voire de retenir mes larmes devant des récits de vie dignes d’un bon vieux Zola. Et heureusement, parce que ce serait bien triste d’être hermétique à tout ! Ce serait même compliqué de travailler et d’aider sans avoir cette empathie comme moteur.

Tous les jours il faut prendre du recul. C’est ce qui permet de ne pas déprimer, de ne pas devenir insensible non plus, bref, de fonctionner correctement ! Ce qui me convient le mieux, à moi, c’est de plaisanter avec mes collègues. J’ai la chance de travailler avec des personnes infiniment bienveillantes ET pleines de second degré, ce qui est exactement ce dont j’ai besoin ! Sans le rire ce serait trop lourd. Le rire, c’est ce qui nous permet d’évacuer toutes nos frustrations et nos contrariétés.

Le trajet m’aide aussi beaucoup à prendre du recul. C’est mon espace de liberté, ma petite bulle rien qu’à moi entre ma vie privée et mon boulot. C’est une façon concrète de mettre de la distance entre ma vie de famille et mes bénéficiaires. Le matin, j’écoute la radio et je deviens doucement la moi du travail. Le soir je mets de la musique, plus ou moins rythmée selon mon humeur, et tandis que les kilomètres défilent je redeviens la moi de la maison. A 17h pétantes je rebascule sur France Inter et tout semble plus léger.

La route est longue mais j’en ai besoin. J’ai besoin d’être seule avec la radio ou la musique, j’ai besoin de penser à ce que je veux.
J’aime profiter des couleurs du ciel, de celles des arbres en automne, de la beauté du paysage sous le givre… Le soir, je passe de la ville à la campagne et j’aime retrouver progressivement la nature et le calme. Le paysage est comme moi, il s’apaise progressivement. La luminosité est géniale aussi, à ce moment-là ! Quand j’en ai marre d’être coincée derrière un camion sans pouvoir le doubler, ou tout simplement si j’ai envie d’un petit shoot de calme supplémentaire, je quitte la départementale et je passe entre les collines, les prés et la forêt. Ça me prend à peine 5 minutes de plus, mais au détour de certains virage, la vue les vaut bien !