Si nos enfants ont hérité de quelques-uns de nos traits de caractère ; si nous leur avons transmis, malgré nous, certaines angoisses, heureusement ils n’ont pas non plus récupéré toutes nos névroses !
Quand j’étais petite, tout ce qui touchait à la mort, de près ou de loin, me filait une peur bleue. J’étais notamment incapable de passer devant un cimetière. Si nous étions en voiture je fermais les yeux, si j’étais à pieds je détournais le regard. Dans tous les cas, je me sentais vraiment mal et c’était pour moi une véritable épreuve. Tout le vocabulaire se rapportant à la mort me dérangeait. L’entendre, le lire, l’imaginer m’était pénible.
Mon imagination était assez fertile pour que mon esprit associe à la mort beaucoup trop d’idées et d’objets.
Ça s’est calmé parce que j’ai grandi, mais aussi parce que j’ai compris d’où venait cette phobie. Mon inconscient et moi avons eu quelques explications. Il faut dire aussi que la seule représentation que j’avais de la mort était celle, complètement biaisée, de cet inconscient terrorisé. Je n’avais finalement été confrontée qu’à son aspect angoissant.
Heureusement, tout est complètement différent pour Poussin et Belette. Leur rapport à la mort est beaucoup plus sain. C’est un sujet que nous avons abordé assez tôt, le plus naturellement possible. Justement pour éviter d’en avoir peur. Dès que Poussin a commencé à se montrer curieux, vers trois ans, nous avons essayé de lui apporter des réponses honnêtes et claires.
C’était plus simple d’aborder ces questions-là de manière neutre et objective, plutôt que d’attendre une occasion où l’affect aurait pris le dessus. Par chance, pour chacun de nos enfants, ce questionnement est tombé en dehors de toute période de deuil, à des moments où nous étions disponibles émotionnellement.
Nous avons notamment beaucoup utilisé ce petit livre de Catherine Dolto, assez bien fichu. Il est très neutre et apporte des réponses simples, ce qui nous a parfaitement convenu. A chacun, ensuite, d’étoffer les explications selon ses expériences et ses croyances.

Je pense aussi que l’effet « vie au grand air et proche de la nature » a beaucoup contribué à rendre la mort moins angoissante aux yeux des enfants. Depuis qu’ils sont tout petits, ils sont habitués à voir les petits mulots croqués par le chat, les bestioles écrabouillées sur le bord des routes, nos poules qui n’ont vraiment pas eu de chance (entre le renard, le chien de chasse et – plus original- le kidnapping !)… Nous n’avons pas voulu les laisser voir les poules trop « abîmées », mais pour ce qui est des rongeurs grignotés par le chat ou les animaux le long des routes, c’est plus difficile à éviter.
Tous ces petits drames n’ont pas rendu les enfants insensibles, loin de là. Nous avons toujours eu de la peine pour chacune de ces petites bêtes. Simplement, pour les enfants cette tristesse n’est pas teintée d’angoisse.
A leur âge, j’aurais été incapable d’en faire autant. Même ado, quand mon hamster est mort, je n’ai pas pu aller le voir. Pourtant il ne portait aucune trace de blessure. D’ailleurs, j’ai aussi refusé de regarder nos poules victimes du renard…
Poussin et Belette, eux, sont tristes de perdre leurs animaux, mais ne sont pas effrayés à l’idée de leur faire un dernier au-revoir. Belette est du genre à râler sur le chat qui a massacré une souris, parfois à pleurer pour la pauvre souricette tout mignonne, mais cela ne la gêne pas du tout de constater les dégâts sur ce qu’il reste du rongeur. Au contraire, elle est même plutôt curieuse et cherche parfois à reconnaître les différents organes !
Il y a quelques semaines, nous avons perdu Olive, le petit lapin que nous avions depuis le printemps. C’est sans conteste l’animal que les enfants ont le plus pleuré. Ça a d’ailleurs été un peu dur pour toute la famille. Il y a eu beaucoup de larmes et Belette a été très affectée pendant plusieurs jours. Poussin aussi, mais disons que tous les deux l’ont exprimé différemment (à l’extérieur c’est Poussin qui exprime le plus ses émotions et Belette qui est dans le contrôle permanent, mais à la maison elle a un comportement totalement différent).

Bref, le souvenir de notre lapinou est encore bien présent, néanmoins je trouve que les réactions des enfants sont équilibrées. C’est une tristesse toute douce et mélancolique, tellement éloignée de ce qui m’a jadis terrorisée ! Moi, j’étais même incapable de formuler ma tristesse, tellement j’étais occupée à tenter d’étouffer mes peurs…
Je suis infiniment désolée pour ma Belette, ça me picote beaucoup de découvrir ses dessins remplis de lapins qu’on enterre ou qu’on pleure (elle passe beaucoup par le dessin pour exprimer ses émotions), mais je suis tellement soulagée de voir qu’elle gère si bien sa tristesse !