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Entre parenthèses…

Entre parenthèses…

A quelques jours près, ce blog a 8 ans. J’ai commencé à le tenir une poignée de semaines après notre installation dans la Nièvre. Nous, les citadins, arrivions en pleine campagne avec des projets plein la tête, des tas d’idées, des tas d’envies. Nous ne connaissions rien ni personne. Nous ne savions absolument pas comment notre vie ici allait évoluer, si ce changement radical allait nous convenir, si nous serions heureux. Je n’en ai jamais parlé, et surtout pas à Papa-des-Champs, mais lorsque que nous avons gravi la colline où se trouve notre maison, pour une dernière petite visite juste avant la signature chez le notaire, j’ai eu comme un petit doute. Un genre de « Ah ouais, quand même…  » en réalisant que notre hameau était quand même super loin du village, village quand même super désert… Bon, un lundi après-midi en plein mois d’août, il ne fallait pas non plus s’attendre à des miracles… mais pendant quelques secondes je me suis demandé si on n’avait pas fait une grosse connerie !

Aujourd’hui, je ne ferais machine arrière pour rien au monde. La vie que nous nous sommes choisie nous convient parfaitement et nous ne regrettons absolument pas ce changement radical.

Il y a 8 ans, les enfants étaient des bébés. Poussin était un tout petit bambin aux cheveux mi-longs qui me serrait très fort la main quand il apercevait un chien. Il n’aimait pas faire la sieste, parlait sans arrêt et réclamait des histoires, encore des histoires et toujours des histoires. Quelques mois après le début de ce blog, il est entré à l’école, curieux et enthousiaste.
Il est aujourd’hui un grand garçon de 10 ans qui vient d’entrer au collège, qui a perdu ses cheveux de bébé (mais que certains prennent encore parfois pour une fille… comme quoi la coiffure n’avait rien à voir là-dedans !) et qui ne raffole toujours pas des chiens. Il aime toujours autant les histoires, il parle encore à tort et à travers et n’a rien perdu de sa curiosité. Il se passionne pour l’astronomie et a vécu une expérience fabuleuse cet été, en participant à une semaine de colo « recherches participatives » en Suisse avec des gamins tout aussi passionnés que lui. Il connaît des choses que j’ignore totalement et j’ai été tellement (mais tellement !) soulagée de constater que mon Poussin s’était senti à sa place et que pour une fois, il n’était pas « un peu différent » !

En septembre 2012, Belette venait de fêter ses 6 mois. Elle était un bébé souriant qui préférait manger avec ses mains plutôt qu’avec la cuillère qu’on lui tendait, elle se montrait déjà particulièrement indépendante et obstinée, mais avait encore besoin de terminer toutes ses nuits bien calée dans le lit de ses parents.
Depuis, elle a appris à lire plus vite que son ombre et à raconter des histoires merveilleuses. Elle aime jouer avec les mots, elle sait mettre de l’émotion dans les phrases qu’elle s’applique à faire danser sur le papier, et elle se rêve écrivaine. Ou archéologue. Elle passe son temps à rêver et met de la magie partout. Elle est solitaire, aventurière et courageuse. Elle fait tout pour cacher ses faiblesses en public, mais peut se laisser submerger par l’émotion dès qu’elle se sent en confiance. Elle avait hâte de reprendre l’école et d’entrer en CM1. Elle n’arrive pas à savoir si elle est contente ou triste de ne plus être dans la même classe que son frère (moi je suis contente qu’elle retrouve un espace de liberté !). Elle a un humour corrosif et est parfois tranchante, ce qui ne l’empêche pas d’être sensible et toujours prête à aider les autres.

Pendant toutes ces années, j’ai décrit nos vies, nos petits bonheurs, mes réflexions sur la parentalité et le monde que nous essayons d’offrir à nos enfants, j’ai raconté nos évolutions, notre mode de vie, mes émerveillements et mes lassitudes.

J’ai encore tellement de choses à écrire ! Tant d’anecdotes à raconter, tant de raisons de m’énerver, de me réjouir ou d’espérer !
Le temps me manque souvent. La motivation me quitte parfois.

Et puis notre famille a grandit. Je ressens moins le besoin de partager, de m’interroger sur mon rôle de maman, sur notre façon de faire découvrir le monde à nos enfants.
Je ne suis pas nécessairement plus sûre de moi, loin de là ! Disons plutôt que les enjeux ne sont plus les mêmes, que mes sujets d’interrogation ont évolué, que j’ai peut-être moins envie de les partager, ou alors autrement, pas forcément par l’écriture.

Toutes ces raisons rendent mes billets plus espacés et, je trouve, moins vivants depuis quelques temps.
Je ne veux pas fermer le blog complètement, juste le mettre entre parenthèses. Je ne me donne pas de délai, aucun objectif.

Avant de publier ce billet, j’aimerais vous remercier pour vos encouragements, vos petits mots, vos retours bienveillants, par écrit ou de vive-voix. C’est toujours très touchant de voir comment sont perçus nos écrits, de sentir que l’on arrive à partager quelque chose avec de simples mots.
Les commentaires restent ouverts, de même que l’adresse mail maman-des-champs. Au plaisir de poursuivre nos discussions, que vos soyez des inconnu.e.s, ami.e.s intimes, connaissances plus ou moins proches !

Juste parce que j’aime bien cette photo, prise cet été, où il fait moche et beau à la fois :)

La vie au ralenti

La vie au ralenti

Comme tout le monde, on reste à la maison.

Les parents télétravaillent, les enfants télé-écolent. Ça se passe plutôt bien pour le moment.
Pour le papa ça ne change pas grand chose, puisque ça fait 11 ans qu’il fonctionne de cette façon. Pour moi c’est un peu différent, puisque mon travail n’est pas entièrement réalisable à distance. Je m’adapte comme je peux. J’ai remplacé les entretiens physiques par des appels téléphoniques. C’est un peu compliqué quand les enfants sont à côté (l’autre jour je n’avais pas bien raccroché après avoir laissé un message sur le répondeur de monsieur D., je pense donc qu’il a profité de notre conversation à propos d’un tube de dentifrice oublié chez mamie le week-end précédent… oups). L’objectif principal de mon activité étant d’accompagner les personnes dans leur recherche d’emploi ou de formation, disons que le rythme s’est nettement ralenti.

Je peux donc à m’occuper du travail scolaire des enfants tout en travaillant de mon côté. C’est loin d’être parfait, mais on y arrive. Le papa est là en renfort, mais pas à temps plein parce que j’ai beaucoup de mal à me concentrer quand on est trop nombreux autour de la table ! Heureusement, les enfants sont autonomes et je peux les envoyer en récré dans le jardin quand j’ai besoin de me concentrer !

La maîtresse a fait le choix d’envoyer le travail à faire par mail, ce qui nous laisse la possibilité de nous organiser avec pas mal de liberté. Pour le coup, ce serait vraiment tendu si en plus de mon boulot je devais gérer les leçons en visioconférence, les gamins qui parlent à voix haute, les éventuels soucis de connexion…

Le seul problème, c’est que Poussin et Belette travaillent très vite. Je dois donc m’interrompre assez régulièrement pour corriger un exercice, donner une nouvelle directive, ou carrément pour constater qu’il est 9h42 et qu’ils ont déjà bouclé tout leur programme de la matinée…
On essaye alors de compléter avec d’autres exercices, de réviser ce qui a déjà été vu en début d’année, d’aller un peu plus loin sans aller trop loin non plus, bref on bricole.

Pour ne pas perdre le rythme et éviter l’ennui, on a aussi créé un planning pour les jours de semaine.

Le matin est consacré au travail scolaire tandis que l’après-midi est plus tourné vers la culture générale et les apprentissages ludiques. Les enfants regardent des documentaires (heureusement il y a « C’est pas sorcier ! ») ou font des recherches, lisent des magazines… Ils profitent aussi de ce temps d’autonomie pour préparer des petits exposés qu’ils nous présentent ensuite le soir. Belette nous a par exemple fait un petit exposé sur….. les belettes ! Poussin a appris une fable et nous a parlé de La Fontaine, il a aussi fait des recherches sur Copernic. On va penser à d’autres sujets pour les jours à venir.

On profite aussi beaucoup du jardin.
Confinement ou pas, les enfants peuvent courir, faire du vélo, bricoler avec trois bouts de bois et deux cailloux… C’est une chance d’avoir cette grande porte ouverte sur la nature. On s’autorise aussi quelques escapades un peu plus loin, sur les bords des champs, à la lisière de la forêt.

On se dit que pour nous ce n’est pas trop gênant. Pas pour l’instant.
On peut se permettre de prendre du temps pour nous, passer plus de temps avec les enfants. On a sacrifié un week-end en amoureux à Porto mais ce n’est pas bien grave.
Ce n’est rien par rapport aux familles qui doivent cohabiter dans des appartements tout petits, aux enfants qui n’avaient de l’attention et de la bienveillance qu’à l’école et qui se retrouvent coincés avec des parents toxiques, à ceux dont les parents ne peuvent pas assurer un suivi scolaire correct, aux personnes qui vont voir leurs revenus baisser, à ceux qui ont ou qui vont perdre un proche, aux femmes qui vivent avec un conjoint violent, aux soignants qui font ce qu’ils peuvent avec peu de moyens… La liste est longue malheureusement.

Comme tout le monde on lit les infos, on écoute la radio et les nouvelles ne sont pas rassurantes. On ne sait pas, on attend…
Alors on saupoudre le tout d’un peu de légèreté. Des blagues sur les réseaux sociaux, des images et des détournements qui font rire, des livres et des films pour se divertir, des déjeuners dans le jardin pour profiter du soleil, des jeux de société quand on a fini de travailler…

De la douceur, de la sérénité et plein de courage à tous pour cette nouvelle semaine de confinement !


10 ans !

10 ans !

Poussin est né il y a dix ans. 10 ans ! C’est fou !

Une décennie de parentalité. Une décennie à s’émerveiller de petits riens et de pas de géant.

Le secret : prendre de la hauteur !

Des inquiétudes à la pelle. Des questions tout le temps, sur tous les sujets, à toutes les occasions.
Des milliards de câlins, des grimaces pour se faire rire, des surprises pour se faire plaisir.
Des centaines (des milliers ?!) d’histoires lues le soir, le matin, après la sieste, dans le jardin, dans les salles d’attente, sur un banc, en chuchotant, en prenant des voix ridicules, en faisant des mimes… et encore une autre, maman, s’il te plaît, elle était toute courte celle-là.

Dix ans et des négociations pour tout et n’importe quoi : pour un tour de toboggan en plus, pour se faire accompagner chez un copain alors que c’est dimanche et qu’on a la flemme, pour un yaourt au chocolat, pour un quart d’heure de lecture en plus avant de se coucher…

Dix ans à crier plus qu’on aurait voulu. A s’agacer pour des broutilles, à perdre patience pour trois fois rien un jour, mais à être un puits de patience pour quelque chose de bien pire le lendemain. Culpabiliser parce qu’on s’est fâchée un peu fort, entendre d’autres parents brailler sur leurs mômes, se dire que finalement on est plutôt cool. Dix ans à lire des bouquins qui parlent d’éducation bienveillante et de psychologie positive, dix ans à se demander si Isabelle Fiolliozat serait toujours aussi douce et compréhensive à notre place, avec un Poussin qui ne rentre dans aucune case !

Dix ans d’hypersensibilité. Dix ans à ne rien faire comme tout le monde. Dix ans à osciller entre « c’est génial d’avoir un enfant différent » et « mais purée pourquoi ce gosse ne fait-il jamais rien comme les autres ? »… Il y a des jours plus difficiles que d’autres, des périodes de doute et d’autres où tout est sous contrôle. En ce moment ça va. Ça ira peut-être nettement moins bien dans une semaine.

Nos premières mois ensemble ont été les plus difficiles de ma vie, vraiment. Je ne dormais presque pas, soit parce que Poussin ne dormait pas non plus, soit parce que je n’arrivais pas à lâcher prise. J’étais épuisée et inquiète. Je l’ai été de moins en moins, mais vraiment, ça a été difficile. Au bout de quelques semaines il y a eu du mieux. Au fil du temps c’est devenu plus simple, plus naturel. Poussin a commencé à sourire, puis à rire, et j’ai été rassurée. Plus les semaines passaient, plus c’était évident. Il n’a jamais été un gros dormeur et il détestait être ailleurs que dans nos bras, mais on a fait avec et c’était très bien comme ça.

Les gens disent souvent que l’épuisement des débuts et les difficultés s’oublient. Je n’en suis pas si sûre. Je pense qu’on n’oublie pas et heureusement. Au contraire, je trouve ça plutôt bien de se souvenir de tout ce qu’on a traversé, ça permet d’apprécier le chemin parcouru et de constater les progrès. Les difficultés font partie de nos vies, alors autant les accepter sans avoir à modifier notre mémoire !

Poussin a 10 ans et c’est un chouette petit garçon. Il a le même regard vif et brillant que lorsqu’il était bébé. Il a toujours un insatiable besoin d’affection et une demande d’attention exclusive. On essaye de les satisfaire, ou au contraire on essaie de lui faire comprendre pourquoi c’est impossible, on se questionne beaucoup, on s’adapte comme on peut. Ce n’est pas toujours simple, c’est même parfois usant, mais c’est comme ça. Ce qui est certain, c’est qu’en quelques années Poussin a énormément progressé et gagné en autonomie. C’est impressionnant de voir le chemin parcouru !

Poussin est particulier, mais pas seulement. Il est aussi et surtout curieux, marrant, passionné, sensible et futé. Etre sa maman est une formidable aventure !

Côtoyer la misère

Côtoyer la misère

Il y a des journées plus difficiles que d’autres. Il y a de l’agacement, de l’incompréhension, des lassitudes… Il y a aussi beaucoup d’espoir, parfois. Des surprises, des réussites là où on ne l’imaginait pas, des bonnes nouvelles.

C’est ce que j’aime bien dans mon boulot, c’est que rien n’est défini d’avance. Bien sûr, il y a des gens qu’on arrive à cerner très rapidement, des premières impressions qui ne trompent pas, mais n’empêche, ce qui est chouette c’est qu’en travaillant au contact des gens, rien n’est jamais figé.

Oui, je vois de la misère tous les jours et parfois c’est assez lourd. Il y a des situations très compliquées, de la souffrance, des gens complètement perdus qu’on n’arrivera peut-être jamais à faire évoluer. Ça peut être déstabilisant. Quand on n’a jamais été confronté à cette misère sociale, affective ou culturelle, on a même du mal à l’imaginer. Très souvent, mon entourage tombe des nues quand je parle de certaines situations, quand j’évoque le fossé qu’il y a entre certains de mes bénéficiaires et notre vie à nous.

Quand j’ai recommencé à travailler dans le social, cet automne, je savais à quoi m’attendre et j’ai repris mes marques très rapidement. Il y a dix ans, par contre, quand je suis sortie de la fac et que j’ai atterri dans le monde de l’insertion, le choc a été beaucoup plus rude ! C’était difficile parce que je n’avais pas de recul, parce que je ne me connaissais pas assez bien et que j’étais incapable de gérer toutes les émotions qui m’assaillaient, parce que je ne savais pas quand, comment et pourquoi mettre de la distance entre les gens et moi. Aujourd’hui c’est plus simple.

L’injustice et la misère me sautent aux yeux tous les jours. Il m’arrive d’être touchée, d’être dans la compassion, voire de retenir mes larmes devant des récits de vie dignes d’un bon vieux Zola. Et heureusement, parce que ce serait bien triste d’être hermétique à tout ! Ce serait même compliqué de travailler et d’aider sans avoir cette empathie comme moteur.

Tous les jours il faut prendre du recul. C’est ce qui permet de ne pas déprimer, de ne pas devenir insensible non plus, bref, de fonctionner correctement ! Ce qui me convient le mieux, à moi, c’est de plaisanter avec mes collègues. J’ai la chance de travailler avec des personnes infiniment bienveillantes ET pleines de second degré, ce qui est exactement ce dont j’ai besoin ! Sans le rire ce serait trop lourd. Le rire, c’est ce qui nous permet d’évacuer toutes nos frustrations et nos contrariétés.

Le trajet m’aide aussi beaucoup à prendre du recul. C’est mon espace de liberté, ma petite bulle rien qu’à moi entre ma vie privée et mon boulot. C’est une façon concrète de mettre de la distance entre ma vie de famille et mes bénéficiaires. Le matin, j’écoute la radio et je deviens doucement la moi du travail. Le soir je mets de la musique, plus ou moins rythmée selon mon humeur, et tandis que les kilomètres défilent je redeviens la moi de la maison. A 17h pétantes je rebascule sur France Inter et tout semble plus léger.

La route est longue mais j’en ai besoin. J’ai besoin d’être seule avec la radio ou la musique, j’ai besoin de penser à ce que je veux.
J’aime profiter des couleurs du ciel, de celles des arbres en automne, de la beauté du paysage sous le givre… Le soir, je passe de la ville à la campagne et j’aime retrouver progressivement la nature et le calme. Le paysage est comme moi, il s’apaise progressivement. La luminosité est géniale aussi, à ce moment-là ! Quand j’en ai marre d’être coincée derrière un camion sans pouvoir le doubler, ou tout simplement si j’ai envie d’un petit shoot de calme supplémentaire, je quitte la départementale et je passe entre les collines, les prés et la forêt. Ça me prend à peine 5 minutes de plus, mais au détour de certains virage, la vue les vaut bien !