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Le temps qui passe

Le temps qui passe

Le temps passe et on ne se souvient pas de tout. Ce qui nous paraît important aujourd’hui sera sans doute oublié demain, et nos souvenirs seront au contraire faits de toutes petites choses.

Le temps passe et de notre enfance il ne reste que quelques bribes. Notre mémoire est taquine, et peine parfois à conserver les grands événements, les dates importantes, les premières fois. Au contraire, certains détails qui paraissent futiles ne s’effacent pas. C’est même eux, parfois, qui composent l’essentiel de nos souvenirs.

J’aime beaucoup cette idée que ce sont les petits riens qui comptent. Peut-être qu’ ils n’étaient pas si futiles que ça, alors, ces petits riens. Peut-être que finalement ce sont eux qui définissent le mieux ce qu’on a ressenti, ce qu’on a aimé, ce qui nous a fait grandir.

Et puis c’est joli, un peu poétique même, de s’attacher à des détails. C’est aussi ce qui rend nos souvenirs uniques. Ce qui fait qu’on ne retient pas tous la même chose d’un événement commun, qu’on a tous notre propre façon de se rappeler des situations, des moments, des personnes. Notre mémoire est sélective.

Ainsi, je ne me rappelle plus la voix de ma grand-mère, mais je me souviens parfaitement de l’odeur de ses mains. Elles sentaient le propre et l’eau de javel. Dans sa cuisine, ça sentait souvent l’huile d’olive chaude. Alors aujourd’hui encore, c’est une odeur que j’aime bien. Je me souviens aussi que chez elle, le matin on entendait des tourterelles. Ce n’est pas original pour un sou, mais comme depuis chez moi je n’en entendais pas, ma mémoire a associé les tourterelles, mes grands parents, et leur maison aux volets verts. Maintenant que j’ai aussi une maison d’où l’on entend des tourterelles, j’y repense régulièrement. Les tourterelles, c’est la fenêtre de la petite chambre du haut ouverte sur un matin encore frais, le grillage du jardin et la pente grise qui descendait vers le garage.

Au moment où j’ai appris que cette grand-mère n’était plus, j’écoutais un album de Ben Harper. C’était il y a une douzaine d’années. J’ai oublié la date, mais pas la musique, ni le moment de la journée, ni le soleil qui brillait à la sortie de l’église, quelques jours plus tard. La vie a fait que depuis, je n’ai plus trop écouté Ben Harper, mais il est toujours resté associé à ce moment triste. N’importe quelle mélodie de Ben me fait penser à ma grand-mère. C’est comme ça.
Et puis il y a des coïncidences, des hasards qui interpellent.
Mercredi dernier, après le petit dèj, il y a eu une interview de Ben Harper à la radio. Un truc qui n’arrive pas tous les jours. J’ai écouté d’une oreille en finissant de ranger la cuisine, et j’ai repensé au jour où ma grand-mère s’est éteinte. J’ai pensé aussi à mon autre grand-mère, à l’hôpital depuis quelques semaines et plus vraiment en forme. Quelques heures plus tard, j’ai appris qu’elle aussi était partie. C’est étrange, les coïncidences.

De cette deuxième grand-mère aussi, j’ai la tête pleine de souvenirs. Des détails. Des gâteaux aux pommes cuits à la poêle, des verres à moutarde avec des personnages de dessins animés, des stylos à bille qui peuvent se gommer, très pratiques pour les mots croisés. Je me souviens aussi qu’une fois elle m’avait gardée plusieurs jours alors que mes parents étaient absents, et que j’avais une poésie à apprendre. Je devais être en ce2 ou en cm1. Je ne me rappelle ni du titre, ni de l’auteur, mais je suis certaine qu’elle parlait d’une tortue. Ma grand-mère m’avait conseillé de la relire une dernière fois avant de me coucher, parce que la nuit aide à retenir. Et elle avait vu juste : le lendemain j’ai eu 10/10 ! Mes enfants profitent eux aussi de cette méthode, et chaque fois je repense à cette petite tortue.
De sa maison je n’ai conservé ni son ni odeur, mais de cette grand-mère j’ai retenu des mots. Je pense à elle quand j’entends le mot « biner », parce qu’elle me racontait souvent ce qu’elle avait fait, ou ce qu’elle allait faire dans le jardin. Il y a aussi « buanderie », « champion » comme dans « Questions pour un champion », et puis « chorale ». C’est drôle la mémoire.

Mes souvenirs plus récents sont aussi faits de petits détails. Parfois au détriment de ce qui pour d’autres serait capital. Par exemple, je suis incapable de me rappeler du prix exact de notre maison, mais je revois très bien Poussin jouer avec un tuyau d’arrosage jaune pendant que l’on parlait avec l’ancien propriétaire. Je ne sais plus très bien à quel âge petite Belette a commencé à ramper, mais je sais qu’en juillet 2013 elle dévorait les tomates cerises par douzaines. Et qu’elle se hissait hors de sa poussette pour nous montrer les moutons.
Je ne sais plus si j’ai pleuré en apprenant que j’allais devenir maman, mais je suis certaine d’avoir pris bu un Perrier en terrasse la veille, à Clisson. Il faisait bon et c’était un jour férié. Je ne sais pas non plus si mes enfants ont pleuré quand ils sont nés… (je suppose que oui, au moins un peu !) mais je n’oublierai jamais leur odeur, leur douceur, leurs regards.

Je crois d’ailleurs leur avoir transmis ce goût pour les détails et les souvenirs originaux. Les enfants se souviennent parfois de trucs totalement incongrus ! Les vêtements que je ne sais qui portait au spectacle de Noël d’il y a deux ans,  le dessert chez leur arrière-grand-mère en 2015, ou la raison du retard de train de son papa le jour où j’ai renversé toute une casserole de coquillettes par terre (un grand moment !)…
Pour eux aussi le temps passera, et comme moi ils oublieront des noms, des visages, des dates… mais garderont en mémoire les anecdotes les plus insignifiantes, l’odeur de la bibliothèque, la couleur d’un cahier, la petite pierre en forme de poisson dans la cuisine de Papi et Mamie, la boîte aux lettres dont la serrure s’est coincée…

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Etre à leur place

Etre à leur place

Souvent, je regarde mes enfants et j’aimerais être à leur place. Je suis très contente d’être moi et de vivre ma vie, là n’est pas la question, c’est juste que parfois leur insouciance, leur bonheur candide et la tendresse qui les entoure me font drôlement envie !

Quand c’est l’heure de la sieste et que Belette se glisse sous sa couette, en culotte et en t-shirt, j’ai souvent envie d’être à sa place.
Ou le soir, au moment de l’histoire, quand ils sont tout propres, en pyjama et qu’ils s’installent dans leurs lits avec leurs ribambelles de doudous.

J’aimerais aussi pouvoir manger des crêpes au chocolat, en les tenant à pleines mains, sans me demander si je ne suis pas en train de m’en étaler sur le nez.. ou sur le front… ou dans les cheveux !

Et puis ensuite je veux attraper mon verre d’eau à deux mains en y laissant mes empreintes.
Je veux aussi une immense serviette nouée autour du cou pour m’essuyer quand j’en aurais vraiment trop sur le menton.

Je veux être eux quand ils mangent des biscottes et qu’il s’en fichent complètement de savoir si des miettes tombent sous la table.

Je veux être à leur place quand ils sont assis sur le canapé et que leurs pieds ne touchent pas le sol. Encore mieux, quand ils regardent quelque chose sur l’ordinateur et que leurs petits visages sont hyper concentrés.

Ou quand ils jouent à dormir sur le grand fauteuil, avec la couverture douce et colorée de Poussin.

J’aimerais aussi avoir leurs chambres et faire la crétine sur de grands coussins carrés. Rire et glousser très fort.

Quand je suis patraque j’aimerais aussi que quelqu’un me fasse des câlins sur le front. En m’apportant des doudous et  en me demandant si j’ai soif.

J’adorerais être eux quand il fait moche et qu’ils font des journées pyjama. Parce que si quelqu’un passe à l’improviste, eux, même en pyjama et les cheveux en vrac, ils sont mignons.

Je veux être à leur place quand ils ont des cadeaux et qu’ils les ouvrent comme des chiffonniers.

Quand ils dessinent sur le tableau blanc avec des feutres de plein de couleurs.

Quand ils chantent à tue-tête et qu’ils dansent n’importe comment, quand ils écarquillent leurs yeux devant un spectacle, quand ils dessinent et qu’on trouve toujours ça joli…

Ah et aussi, parfois j’aimerais juste être le chat. Quand il ne fait rien, c’est à dire 98% du temps !

Oui, je sais, cette photo n'a rien à voir avec la choucroute...

Oui, je sais, cette photo n’a rien à voir avec la choucroute…

Quand Papa et Maman étaient petits…

Quand Papa et Maman étaient petits…

Indéniablement, devenir parents c’est replonger dans notre propre enfance ! Parfois avec nostalgie ou tendresse, parfois avec colère, pour y découvrir des trésors qu’on avait oubliés ou se retrouver face à face avec de vieux démons… Dans tous les cas, ce retour en arrière influe sur notre façon d’élever nos enfants et il nous aide parfois à mieux les comprendre. Il nous permet aussi de comprendre, avec nos yeux d’adultes, les réactions et façons de faire de nos propres parents.

Ce constat, Papa-des-Champs et moi nous le faisons de plus en plus souvent. Nous avons tous les deux eu la chance de grandir dans des familles équilibrées et de ne pas avoir de grosse fêlures héritées de l’enfance, ce qui simplifie certainement ce plongeon dans le passé.  Comme tout un chacun nous avons notre lot de névroses, mais elles sont petites alors ça va :-) Nous pouvons donc rire de nos anecdotes d’enfants et nous mettre à la place de nos parents, puisque maintenant les grands, c’est nous !

En redevenant l’enfant que nous étions et en ayant à l’esprit nos émotions de minot, nous comprenons bien mieux les demandes de Poussin et de Belette. Et nous sommes moins sévères. Par exemple, si maintenant je sais que de rester plantée à côté de mon fils qui se lave les mains c’est un peu pénible, je me souviens que petite j’avais parfois peur d’être seule dans une pièce. (Et même encore maintenant la nuit d’ailleurs…) Je sais que ce n’est pas du cinoche parce que je me souviens que les peurs sont quelquefois irrationnelles. Je me souviens aussi que le soir, demander un dernier bisou quand on est déjà au lit, ce n’est pas juste pour enquiquiner le monde mais bien parce que sur l’instant c’est presque vital… Attendre un bisou 5 vraies minutes, je sais aussi que c’est long. Ça ne m’empêche pas d’être agacée quand Poussin me rappelle pile au moment où je pose mes fesses sur le canapé, et il doit parfois attendre un peu quand je suis occupée, mais je suis nettement moins fâchée que si j’avais tout oublié.

Maintenant, nous savons aussi pourquoi il y a 20 ou 25 ans nos parents n’étaient pas plus emballés que ça à l’idée de faire 4 fois de suite le même jeu de société… Je n’en avais absolument pas conscience quand j’étais petite, mais en fait le cochon qui rit ou les petits chevaux, quand on grandit ça devient vite chiant ! Et en même temps, je me souviens comme c’était nul les fois où personne ne pouvait jouer avec moi. Vraiment, je ne comprenais pas pourquoi ma maman ne trouvait pas ça génial d’enchaîner les parties de « bonne paye » ou de « mystères de Pékin » !  Alors aujourd’hui nous essayons de tempérer, comme nos parents l’ont fait il y a des années. Nous expliquons à Poussin que le « jeu du verger » c’est super, mais pas 4 fois de suite ! Et à côté de ça, le mardi soir nous lui proposons régulièrement de se coucher un peu plus tard pour jouer tous ensemble. Ce soir d’ailleurs, ce sera une partie de « croque carotte » ! De mon côté, je continue à tanner Papa-des-Champs très régulièrement pour qu’il m’accorde une partie de scrabble…

Jeu du Verger, Haba

Chez nous même quand on gagne on donne un fruit au corbeau à la fin de la partie, « parce qu’il a faim » !

Grâce à nos enfants, nous avons également compris pourquoi nos mamans (oui, à l’époque c’était un truc de mamans !) n’étaient pas toujours enchantées par nos guignoleries à table. Papa-des-Champs se souvient même que la sienne menaçait de construire un mur sur la table de la cuisine, pour le séparer visuellement de son frère ! En presque 4 ans de parentalité, nous avons bien sûr pu nous rendre compte maintes et maintes fois qu’un enfant à table, ça peut être super casse-pieds… Tremper les mains dans le verre d’eau, mettre des plombes à mâcher trois morceaux de steack, faire de grands gestes en oubliant qu’on a une cuillère pleine de petits pois dans la main, c’est moyennement amusant pour un parent fatigué ! Mais depuis quelques semaines, nos enfants ont relevé le niveau en y ajoutant les singeries à deux. Ils se font des signes, se tortillent, ricanent, le grand pose des questions débiles à la petite qui répond « nan » à chaque fois, ils se marrent comme des baleines, répètent des mots débiles en gloussant, et avec tout ça ils en mettent partout. Poussin en a même vomi la moitié de son petit dèj sur la table une fois qu’il avait un peu trop dansé sur sa chaise… Et Belette n’a toujours pas compris que de faire « Meunier tu dors » quand on a du fromage sur les doigts, ça salit les cheveux… Si la radio reste allumée pendant le repas, ils applaudissent dès que l’occasion se présente et ne manquent pas de scander « le banco, le banco, la banco » en braillant… Ce qui en plus d’être pénible nous empêche d’écouter les questions du Jeu des 1000 euros ! Dans ces moments-là nous nous souvenons comme on ne se rend pas compte, quand on est petits… On ne se rend pas compte qu’on rend chèvre nos parents et qu’il faudrait penser à se calmer. Ce n’est que maintenant, en étant nous-mêmes des parents, qu’on réalise comme le bruit peut rendre fou ! Malgré tout, nous sommes contents de voir comme la complicité de nos enfants ne cesse de se développer, aussi bruyante soit-elle !

En devenant parents notre vision des choses est devenue double. Le côté pile de l’enfance se mêle au côté face des adultes et nous permet d’ajuster nos réactions. En replongeant dans nos émotions passées, loin de devenir parfaits nous avons au moins la possibilité de réfléchir, d’arrondir les angles et d’être moins rudes. Nos souvenirs d’enfance nous aident à accompagner nos propres petits, et ensemble nous construisons le chemin singulier de leur histoire. Et nous comprenons à présent pourquoi nos parents avaient si souvent mal à la tête et besoin de silence ;o) !

Imagination

Imagination

Chez nous, il arrive parfois qu’une souris d’ordinateur devienne un aspirateur, qu’un fauteuil se transforme en bateau, ou qu’une feuille de sopalin fasse office de serviette pour doudou…Trois cailloux sur une planche de bois, et voilà un barbecue ! Une touffe d’herbe coincée dans une feuille morte devient un sandwich, et une fleur Playmobil à l’envers fait une magnifique carafe. Les cubes de Lego se transforment en douche pour animaux, une caisse de jouets renversée peut servir de baignoire à poupée. Dans le bain, le thermomètre poisson plonge dans un gobelet dans un dynamique mouvement de va-et-vient, tel un goupillon qui laverait un biberon. A l’instant où j’écris ces lignes, une passerelle de bateau Playmobil se voit utilisée comme rabot… (Et oui, Papa-des-Champs le bricoleur est une énorme source d’inspiration !)

Finalement on a bien fait d'avoir la flemme de les ranger, ces vieux tréteaux...

Barbecue improvisé

 

Quand aucun objet ne ressemble assez à celui dont il a besoin,  qu’il n’a rien sous la main, il lui reste l’ultime recours, celui des objets fantômes.  Ainsi, aux côtés de la table à repasser et du fer « de grand », sont rangés ceux de Poussin. Ils sont bleu. Il les prend, pout pout pout, déplie sa table imaginaire, branche son fer irréel dans une prise qui n’existe pas, et hop hop hop il repasse son linge invisible, le plie consciencieusement puis le range.

Cette imagination, cette capacité de faire de rien un jouet, elle me fait rire et m’impressionne. Elle est naïve, innocente, naturelle. Jamais mon petit garçon ne se plaint de ne pas avoir le bon jouet, l’objet adéquat, il prend ce qu’il a et c’est très bien comme ça. Evidemment, ses yeux ont brillé et son sourire en disait long lorsque son papa lui a offert de nouveaux ustensiles pour sa petite cuisinière. Parce qu’avoir un vrai fouet pour faire des gâteau, et une vraie louche pour servir la soupe, c’est quand même génial !

J’aimerais trouver un juste milieu entre les « jouets d’imitation » et nos objets fantômes, qu’on ne tombe pas dans la sur-consommation de jouets mais que nos enfants ne jouent pas qu’avec du vide. Alors on essaie de garder un équilibre qui nous semble juste, selon nos valeurs, la taille de nos chambres, nos finances.

Je ne pense pas que l’imagination soit le propre de l’enfance. Mais il me semble qu’un esprit créatif se forge de bonne heure. Entraver une imagination naissante, c’est dommage et c’est d’une certaine façon ce qui mène au formatage. J’aimerais que mes enfants soient libres d’imaginer ce qu’ils veulent, comme ils le veulent, sans que je n’intervienne de trop. J’espère que leur faculté de créer à partir de rien et à transformer les objets se poursuivra longtemps. Ce rien invisible, non palpable, c’est leur création, ils l’ont fabriqué eux, et c’est énorme ! Et peut-être qu’un jour, le radiateur qui sert actuellement de machine à laver se transformera en vitrine de boulangerie, en cheminée ou en piano !