Nous habitons un hameau comportant entre dix et quinze maisons, la moitié environ étant des résidences secondaires. Le village se situe à 3,5km et compte 350 habitants (hameaux et divers lieux-dits compris). Pour couronner le tout, nous sommes dans la Nièvre. Bref, nous sommes au milieu de rien ! Enfin si, au milieu de champs et de bois…
Et cela nous convient parfaitement ! Nous avons choisi notre maison en connaissance de cause, nous savions où nous mettions les pieds, et comme je l’ai évoqué dans mon tout premier article, ce mode de vie nous attirait depuis un petit moment. Il n’empêche que ce passage de la ville à la campagne peut parfois surprendre, et bien souvent nos interlocuteurs nous demandent si nous n’avons pas peur de l’isolement. Lorsqu’il s’agit de personnes proches, cette question est soulevée au fil de la conversation, et la plupart connaissent la réponse ! Lorsqu’il s’agit de personnes moins proches, nous avons parfois l’impression que les gens nous prennent vraiment pour des andouilles… comme si nous avions acheté une maison en pleine campagne sans avoir conscience que nous ne pourrions plus aller chez le coiffeur à pieds, ni au monop’… Il y a aussi ceux qui ont incliné la tête avec une grande empathie en me demandant si c’était à cause du travail de mon mari, tellement ça leur paraissait inconcevable d’aller habiter dans la Nièvre par choix ! Bref, dans l’imaginaire collectif, habiter un trou paumé revient à tirer un trait sur toute vie sociale. Un peu comme lorsque j’annonce que je m’occupe de nos enfants et que je ne travaille pas…
Après avoir répondu que non non non, je ne m’ennuyais pas, qu’on peut être au foyer et continuer à pouvoir échanger avec d’autres adultes (et que bien souvent dans mon cas c’est carrément plus enrichissant que sur mon ancien lieu de travail !), nous allons maintenant pouvoir expliquer que notre installation à la campagne n’a pas fait de nous des ermites.
Bien sûr, il n’est plus question de magasins, je n’ai plus le droit d’être prise d’une énorme flemme et de courir chez Picard à 19h, je commande les vêtements des enfants sur internet, et nous n’irons pas à l’école à pieds. Mais je ne me sens pas seule pour autant, au contraire. Nous discutons avec les commerçants, la factrice reste toujours quelques minutes pour parler un peu, un boulanger bavard nous livre du pain à domicile 4 jours par semaine, et lorsque nous faisons le tour du hameau, nous rencontrons toujours un voisin. Ici, les gens discutent. Evidemment, pour l’instant les relations que nous entretenons sont plutôt superficielles, mais je ne me sens pas plus isolée qu’avant. Dans notre ancien immeuble, nous avions une voisine-amie avec laquelle nous pouvions parler longuement ; avec le cuisinier de la brasserie d’en bas, nous discutions de la pluie, du beau temps et des enfants, et c’est tout. Nous n’avons jamais réellement discuté avec les autres voisins, certains sourires étaient plus sincères que d’autres, nous nous disions bonjour, mais c’est tout. Pour le reste, il m’arrivait de papoter avec d’autres parents de la garderie ou des bébés nageurs, et je suppose qu’il en sera de même lorsque les enfants commenceront des activités dans la région.
Ici, je connais les prénoms des voisins, leurs métiers, je sais que Jean-Paul a la manie de toujours arroser le jardin (c’est sa femme qui le dit!), que Brigitte est ravie de pouvoir préparer du vrai cèleri aux enfants de la cantine (parce que sodexo bon quand même hein !) , et Angie m’a proposé des boutures. Moins d’une semaine après notre installation, le maire a débarqué en survêtement dans notre jardin pour savoir si notre fils irait à l’école cette année et si nous aurions besoin du ramassage scolaire, et chaque personne qui passe devant la maison nous fait un signe. J’ai l’impression que nos relations avec les autres se tissent plus rapidement, et moins superficiellement (même si mes exemples peuvent laisser croire l’inverse !). Les gens prennent le temps de parler, et l’intérêt qu’il se portent les uns aux autres a l’air sincère. Pour l’instant, dans notre hameau, je n’ai pas perçu de côté « ragot » ou autre curiosité malsaine, cela arrivera peut-être, mais finalement comme partout. Et puis est-ce pire que d’entendre des voisins du dessus se disputer, se réconcilier, ou de ramasser une voisine à la limite du comas éthylique devant notre porte ?! :o)
Je sais aussi que ces liens qui se tissent progressivement prendront de l’ampleur lorsque les enfants seront scolarisés. Parce que si l’école est minuscule, si les parents se connaissent tous, notre investissement s’y fera naturellement. Habiter à la campagne, c’est aussi une façon de créer du lien localement, d’être acteur de son village, de son environnement. Finalement, j’ai l’impression que nous touchons là au grand paradoxe ville-campagne. Nous sommes isolés du monde commercial, culturel ou artistique (d’un point de vue physique, puisqu’aujourd’hui internet nous permet de ne pas être complètement largués!), mais il nous reste le contact humain, qui est parfois bien plus palpable ici qu’en ville. Pour plagier Borée, je dirais que nous sommes Loin des villes, proches des gens ! Je suis consciente que notre installation à la campagne aurait été inconcevable sans internet et sans radio, parce que nous avons besoin d’être informés, cultivés, d’acheter, et aussi bien sûr d’échanger avec des personnes d’autres horizons. Je ne peux évidemment pas affirmer que les rapports humains que nous avons avec notre voisinage proche sont suffisants, mais ils ne l’étaient pas non plus à Nantes ni à Paris. Je peux néanmoins constater que le monde rural n’est pas (ou plus) toujours synonyme d’isolement, et que le lien social persiste par-delà les champs !