Un mercredi ordinaire, seule avec mes enfants de leur lever à leur coucher, et encore un peu plus. Rien de bien spécial à faire, presque pas de ménage ni de linge à gérer (soit je m’arrange pour être un minimum à jour, soit ça attendra), une fin de rhume pour les chatons, un soleil assez présent pour nous permette de passer pas mal de temps dehors. On a ri, on a joué, j’ai aimé qu’ils se cachent dans mon dos pour ensuite me faire des bisous à tour de rôle sur les joues, ils ont plutôt bien siesté et j’ai pu bouquiner un peu, j’ai respiré la merveilleuse odeur de leurs cheveux pendant nos câlins à trois, ils ont été hilares en jouant ensemble à cache-cache… Ils m’ont rendu heureuse mais ont aussi fait de moi leur prisonnière. Un mercredi ordinaire dans une prison de tendresse.
Comme tous les parents du mercredi (et des autres jours aussi !), j’ai répondu à leurs besoins, géré leurs agacements, essuyé leurs nez qui coulent, j’ai tenté d’apaiser leurs impatiences, j’ai nettoyé leurs becs plein de goûter, savonné leurs dos tellement doux, demandé cinquante fois de faire moins de bruit, joué selon leurs désirs.
Il y a des jours comme ça où je suis toute à eux, et où ça me plaît autant que ça m’aliène. Prisonnière de leurs besoins et de leurs désirs. Aujourd’hui ça a commencé tôt, bien trop tôt même puisque Belette a atterri dans mon lit à 6h40, larguée entre mes bras ensommeillés par un Papa-des-Champs prêt à partir à Paris. (Et d’ailleurs si vous saviez comme j’envie parfois ses mercredis-paris où il n’entend aucun chouinement d’enfant et où il peut lire / dormir / glander dans le train !) Bref, j’ai donc reçu dans mon lit un adorable paquet doux et chevelu, mais également tout chaud de fièvre et chouinassant. Un chouinement lancinant qui se mue en hurlement strident à la moindre contrariété… Une Belette qui se frottait trop les yeux pour avoir vraiment fini sa nuit, mais qui visiblement n’était pas non plus tellement décidée à dormir. Je crois qu’elle a quand même fini par sombrer puisque lorsque j’ai ensuite senti son petit doigt dans mon nez il était déjà 7h50. Trop chouette le réveil ! Et puis bien sûr ma captivité s’est poursuivie toute la journée. Encore à l’heure où j’écris ces lignes, je suis à la merci du babyphone qui pourrait m’appeler à tout moment, je limite le son de la radio, et j’irais ensuite prendre ma douche en traversant le couloir à pas de loup.
Ils ont réclamé à manger, l’une d’entre eux a même grogné jusqu’à ce que je lui présente son assiette de haricots verts, mais au bout de quelques bouchées n’en voulait déjà plus… Quelques heures plus tard elle m’a fait le même coup avec de la brioche (non, je ne cuisine pas hyper mal, mais rappelez-vous ils sont malades et n’avaient donc pas faim !). Ils n’ont pas mangé beaucoup de chocolat mais ont quand même réussi à s’en foutre partout… Telle une Blanche Neige qui ne servirait que deux nains j’ai rangé, épongé, nettoyé pour eux. J’ai répondu aux questions les plus farfelues de Poussin, j’ai expliqué pourquoi le Père Noël n’apporterait pas une seconde cuisinière en bois puisqu’il en a déjà une, j’ai dit que je n’achèterais pas d’iguane (mais où va-t-il chercher tout ça ???) mais qu’il pourrait bien sûr en avoir un chez lui plus tard. J’ai aidé à mettre des chaussettes aux nounours, j’ai fait glisser des Playmobils sur un toboggan 20 fois de suite pour ne pas éveiller le courroux de Belette, j’ai fait semblant de lui manger les mains avec la marionnette Louloup un peu pour les mêmes raisons, mais aussi parce que son rire est si éclatant quand le loup la croque ! J’ai été obligée de répéter encore et encore à l’un de ne pas mettre la langue quand je lui brosse les dents, à l’autre de ne pas bourriner sa main dans sa couche sale… Prisonnière des rituels j’ai du embrasser les doudous et répéter les formules magiques de ses nuits (« on est juste à côté, tout à l’heure Poussin va dormir dans la chambre d’à côté, et ensuite papa et maman dans la chambre encore à côté, allez, bonne nuit ma toute douce »). Un peu plus tard j’ai du faire des bisous « qui font pas de bruit » sur deux autres joues, puis encore quelques « bisous qui claquent », et rester sur le pas de la porte pendant qu’il me souhaitait « bonne nuit, dors bien, bonne couette, bon oreiller, bon matelas, bonne housse de couette »… J’y serais encore si je n’avais pas dit fermement que là ça suffisait !
Je suis la prisonnière de geôliers adorables, pénibles, malins, mignons, chiants, exigeants, rieurs et magnifiques ! De geôliers que j’aime plus que tout et qui m’apportent tant. Je suis une prisonnière qui s’est rendue toute seule, heureuse et souriante, avec des tonnes d’amour à distribuer !
** A peine avais-je terminé mon brouillon que Poussin m’appelait en hurlant pour un cauchemar, et après ma douche il ne s’était toujours pas rendormi…
Papa-des-Champs vient de rentrer, je vais me livrer prisonnière pour lui aussi ! Enfin lui il se démerde pour se laver les dents et s’essuyer la bouche !